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Publié par JMV Ndagijimana

Fraternité Matin (Abidjan) - 23 Juillet 2009

Abidjan — Une campagne de diabolisation se met en place avec les attaques répétées des autorités françaises et le rebondissement de l'affaire Kieffer avec des témoignages contradictoires. Nicolas Sarkozy s'est résolument inscrit dans la logique de l'ère chiraquienne et ne caresse plus Laurent Gbagbo dans le sens du poil.

Nicolas Sarkozy ne porte plus Laurent Gbagbo dans son coeur. Après des propos enrobés de chocolat, le Président français ne manque plus aucune occasion, aussi bien publique que privée, pour tirer à boulets rouges sur son homologue ivoirien. Aux obsèques d'Omar Bongo Ondimba à Libreville, il ne s'est pas contenté de critiquer sévèrement le «défaillant processus politique ivoirien»; il a fustigé les «promesses fallacieuses» que tiendrait le Chef de l'Etat.

Les protestations de la Présidence de la République ivoirienne émises par voie diplomatique à l'Elysée pour condamner pareils propos qui jurent avec les réalités du terrain, auront été vaines. Vendredi dernier, à New York, Nicolas Sarkozy a remis le couvert. Au cours du déjeuner de travail qu'il a eu avec Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'Onu, autour de divers sujets dont le changement climatique, la météo politique a viré à la volée de bois vert contre le régime ivoirien.


Dans les discussions sur les questions de gouvernance internationale et les crises régionales au nombre desquelles les situations au Darfour, en Somalie, en République démocratique et en Côte d' Ivoire, le Chef de l'Etat français s'est lâché. De sources concordantes, Sarkozy n'aurait pas caressé Gbagbo dans le sens du poil. «Ce Monsieur n'est pas digne de confiance», aurait-il confié à Ban Ki-moon. Pour lui, tous les retards accusés dans le processus électoral sont du seul fait de Laurent Gbagbo. Car, relayant la campagne de l'opposition radicale ivoirienne, il soupçonne, lui aussi, le Chef de l'Etat de retarder l'échéance électorale de peur d'être battu. Pour preuve, «même son directeur de cabinet (N'Zi Paul David) est venu à Paris pour nous confirmer que la date du 29 novembre (2009 pour le premier tour de la présidentielle) ne sera pas respectée».


A la vérité, deux ans après l'arrivée de Sarkozy à l'Elysée, Gbagbo traduit qu'il a vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué quand, saluant le départ de Chirac, il triomphait: «Depuis que Chirac est parti du pouvoir, je dors tranquille». Chassez le naturel, il revient au galop. Car le Chef de l'Etat français, à la suite de son prédécesseur, a choisi de troubler le sommeil de Laurent Gbagbo. Sarkozy a signé la paix des braves avec Chirac autour du dossier ivoirien. A Libreville, venus ensemble aux obsèques d'Omar Bongo Ondimba et marchant la main dans la main, Sarkozy et Chirac affichent leur identité de vue sur des dossiers comme la crise ivoirienne. Explication, Sarkozy s'est engagé à achever le travail de sape engagé par Chirac, pour défendre les intérêts de la France, gravement menacés par les velléités d'indépendance politique ivoirienne. C'est pourquoi tous ceux qui jubilent quant au départ du 43e Bima de la Côte d'Ivoire, devraient tempérer leur enthousiasme. Cette opération apparaît comme un leurre ou une diversion pour détourner la vigilance des souverainistes ivoiriens. Le 43e Bima part, mais la France, à travers sa force Licorne, officiellement en appui aux casques bleus de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci), garde, intacte et même renforcée, sa capacité de frappe. Et en doutant, à haute voix, du 29 novembre, les Français poussent Gbagbo et la Commission électorale indépendante (Cei) à organiser, vaille que vaille, le scrutin à cette date. Advienne que pourra. Le regain des pré-campagnes des opposants n'est pas innocent. L'un, Henri Konan Bédié, a déjà proclamé, sur Rfi, les résultats du scrutin présidentiel: il est élu au premier tour. L'autre, Alassane Ouattara, dans une scientifique stratégie de marketing politique, parcourt les régions du pays pour se présenter comme le plus mobilisateur des candidats.


Un tel environnement prépare le spectre d'octobre 2000. S'il devait avoir une quelconque confusion au moment de la proclamation des résultats, la France interviendrait, avec ses troupes, pour installer son homme. «C'est fort de la présence des Casques bleus qu'il (Laurent Gbagbo) fait tout cela; sinon j'aurais depuis longtemps demandé à mes gars de faire le nettoyage nécessaire», a avoué, à Ban Ki-moon, Sarkozy au cours de ce déjeuner new-yorkais. Il y a un coup tordu dans l'air. Car, au fond, le jeu qui se joue est à quitte ou double avec Laurent Gbagbo. Ce combat de non-retour contre les institutions ivoiriennes a une issue: ou la Côte d'Ivoire est recolonisée ou elle est libérée des chaînes du passé.


Dans cette campagne sournoise, le Président français chante à l'unisson avec l'opposition; prenant à son compte, si ce n'est pas lui qui a inspiré ou fait inspirer une telle campagne, toutes les critiques des adversaires du Chef de l'Etat ivoirien. Ou l'opposition politique traite Laurent Gbagbo de «boulanger» qui «roule ses adversaires dans la farine», Sarkozy évoque une crise de confiance. Bonnet blanc, blanc bonnet. Il ne s'arrête pas là. Attribuant la survie de Laurent Gbagbo à la présence des troupes dites impartiales, il prend désormais ombrage de la présence du Président ivoirien à la tête de l'Etat, au-delà de son mandat présidentiel. Et, dans la logique de l'ère chiraquienne, il ronge ses freins.


La France a toujours eu un allié, la communauté internationale qui a perdu toute crédibilité dans la gestion des crises dans le monde en général et en Côte d'Ivoire en particulier. C'est ce rôle que joue et qu'a toujours joué le secrétariat général de l'Onu, de Kofi Annan à Ban Ki-moon. Choi, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, l'a compris. Tout comme Sarkozy doute du scrutin du 29 novembre, lui parle de «risque d'un glissement d'ensemble du chronogramme au-delà de l'échéance», en mettant implicitement à l'index le régime ivoirien. Du pareil au même.

C'est pour cette raison que le Secrétaire général de l'Onu ne s'est embarrassé d'aucune fioriture pour violer les règles élémentaires en matière de diplomatie internationale et la déontologie qui régit les Nations unies. La réception a eu lieu, non pas dans un restaurant, mais dans les locaux du Consulat général de France à New York. Or, une coutume établie de longue date prescrit que le Secrétaire général des Nations unies reçoit ses hôtes de marque au sein de la maison de verre à New York.


La France piaffe d'impatience. Mise sous l'éteignoir par l'Accord politique de Ouagadougou (Apo), elle entend, par une telle initiative, signifier qu'elle n'a pas encore dit son dernier mot. A l'instar de l'Accord de Linas-Marcoussis où c'est elle qui était le maître du jeu, l'ancienne métropole montre ainsi qu'elle est pour une approche bilatérale dans le règlement du conflit. Confirmant ce que disait, il y a quelques années, un sénateur américain à ses interlocuteurs ivoiriens: «Pourquoi est-ce que quand on dit Côte d'Ivoire à l'Onu, c'est la France qui se lève? Vous trouverez la solution à la crise ivoirienne lorsque vous aurez répondu à cette question», avait déclaré cet honorable membre du Congrès américain.


Fraternité Matin
Quotidien gouvernemental

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