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Publié par JMV Ndagijimana

ICG
13.07.09

 

SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS

 

L’offensive militaire conduite conjointement par la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda contre les rebelles hutu rwandais s’est conclue sur un bilan mitigé. Quinze ans après le génocide rwandais et leur établissement à l’Est du Congo, ces rebelles n’ont toujours pas été désarmés et restent à l’origine de violences extrêmes perpétrées contre la population civile. Bien qu’elle n’ait plus les capacités militaires de déstabiliser le Rwanda, leur troupe forte de plus de 6 000 combattants – parmi lesquels se trouvent encore des génocidaires – continue de représenter un obstacle politique majeur à la consolidation de la paix dans la région des Grands Lacs. L’Est du Congo ne pourra être stabilisé sans que ces rebelles ne soient désarmés et démobilisés.

 

Pour cela, une nouvelle stratégie globale impliquant des acteurs nationaux, régionaux et internationaux, une claire répartition des tâches et une meilleure coordination est nécessaire afin de tirer profit de l’amélioration récente des relations bilatérales entre le Rwanda et la RDC, mettre un terme à l’immense souffrance des civils et restaurer l’autorité de l’Etat dans les provinces de l’Est du Congo. Cette approche globale intègre :

 

  • la protection des populations par des forces de sécurité congolaises crédibles et la mission de maintien de la paix de l’ONU (MONUC);
  • un programme reformé de désarmement et de dé mobilisation comprenant des campagnes de sensibilisation et des options de rapatriement ou de relocation (y compris dans des pays tiers);
  • la production par le Rwanda d’une liste de génocidaires des FDLR réfugiés à l’Est du Congo, par la suite leur isolation par des opérations psychologique sophistiquées et l’ouverture de discussions avec des officiers non-génocidaires n’ayant pas participés au génocide de 1994;
  • au moment opportun, des actions militaires menées par des unités de l’armée congolaise spécifiquement entrainées pour affaiblir la structure de contrôle et de commandement du groupe rebelle en coordination avec des forces rwandaises;
  • des initiatives juridiques par des pays tiers pour contrer la propagande et le soutien apportés par des dirigeants des FDLR depuis l’étranger;
  • la consolidation des relations entre le Rwanda et la RDC; et
  • des bénéfices destinés aux populations de la région des Grands Lacs à travers des programmes de développement socio-économique.

 

Parmi les dizaines de groupes armés opérant dans les provinces du Kivu au début de l’année 2009, les deux organisations disposant des forces militaires les plus puissantes et constituant la principale cause des souffrances imposées aux civils étaient les hutu rwandais regroupés au sein des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) – qui bénéficiaient alors de complicités au sein de l’armée congolaise – et le Congrès national du peuple (CNDP) du général tutsi congolais Laurent Nkunda, soutenu clandestinement par le Rwanda. Cependant, l’ambition personnelle de Nkunda lui valu de s’aliéner ses soutiens rwandais, tandis que l’effondrement total de l’armée nationale face à l’insurrection du CNDP en automne 2008 obligea le président Joseph Kabila à conclure un accord avec Paul Kagame, son homologue rwandais.

 

Cet accord marque un changement d’alliance considérable pour la région. En échange de la destitution de Laurent Nkunda, Kinshasa a accepté le lancement sur son territoire d’une offensive militaire conjointe RDC-Rwanda contre les FDLR, tout en écartant la Mission des Nations unies au Congo (MONUC) des phases de planification et de sa mise en œuvre.

 

L’opération « Umoja Wetu » (Notre Unité) débuta le 20 janvier 2009. Trois colonnes de l’armée rwandaise pénétrèrent dans la province du Nord Kivu, cherchant à déloger la milice rebelle de ses principaux bastions. Dans le même temps, les forces militaires congolaises se déployaient dans les villages libérés et procédaient à l’intégration dans leurs rangs des combattants du CNDP et d’autres groupes armés. Les FDLR évitèrent la confrontation directe en dispersant leurs combattants dans les forêts du Kivu. A l’issue de 35 jours de campagne, les résultats de l’opération étaient beaucoup plus modestes que ne l’indiquaient les célébrations officielles. Les forces des FDLR n’ont été que légèrement et temporairement affaiblies au Nord Kivu, et sont restées intactes au Sud Kivu. Moins de 500 combattants des FDLR se sont rendus à la MONUC pour être démobilisés durant les trois premiers mois de 2009. À peine un mois après la conclusion de l’opé ration, les rebelles s’étaient regroupés et menaient des actions de représailles contre les civils soupçonnés d’avoir collaboré avec « Umoja Wetu ».

 

Depuis 2002, le Congo, le Rwanda et la MONUC ont lancé de nombreuses initiatives pour désarmer les FDLR. Le 9 novembre 2007, Kinshasa et Kigali avaient initié le processus du communiqué de Nairobi, un cadre de référence pour une nouvelle collaboration bilatérale, appuyée par la communauté internationale. Son objectif était de régler définitivement le problème des FDLR. Le manque de volonté et de collaboration sincère, ainsi que la capacité de résistance de la chaîne de commandement des FDLR ont démontré que les approches traditionnelles de désarmement – qu’elles soient forcées ou volontaires – et les tentatives de négociations avec les rebelles lancées unilatéralement par le Congo ne peuvent réussir. Un autre enseignement essentiel est que les opérations militaires ou les campagnes de sensibilisation visant au désarmement volontaire des combattants de base ne sont pas susceptibles de produire des effets satisfaisants sans la neutralisation préalable des structures de commandement et de contrôle des FDLR et sans une coordination et une intégration complète de ces différents leviers d’action.

 

Considérant que l’armée nationale congolaise et la MONUC n’ont pas la capacité et la volonté politique de mener une opération offensive efficace pour démanteler la chaîne de commandement des FDLR, la poursuite d’une collaboration militaire entre le Congo et le Rwanda est essentielle. Toutefois, la priorité immédiate n’est pas à une nouvelle offensive – chaque échec militaire augmente les souffrances imposées aux congolais ordinaires. Une opération menée par l’armée nationale congolaise et la MONUC – « Kimia II » – est actuellement en cours. Son volet offensif, loin d’avoir affaiblit les FDLR, n’a pas permi d’empêcher les représailles contre les populations civiles. Les actions offensives doivent être suspendues. Contenir les rebelles, et non les agresser, ainsi que protéger les populations devront constituer la priorité immédiate en attendant la mise à disposition de ressources supplé mentaires et l’émergence d’une véritable coordination entre partenaires impliqués dans le dossier du désarmement des FDLR, conditions préalables à une action véritablement efficace.

 

Une stratégie globale doit être développée avec la participation du Congo, du Rwanda, de la MONUC et des autres membres de la facilitation internationale du communiqué de Nairobi, notamment l’Union africaine, les États-Unis et l’Union européenne. Leurs apports politiques et opérationnels doivent être coordonnés par un nouveau mécanisme de désarmement des FDLR à travers lequel seront planifiés simultanément des actions militaires et de sensibilisation, ainsi que des initiatives juridiques dans les pays où les dirigeants politiques des FDLR se sont réfugiés. Depuis ces pays, ils diffusent en effet une propagande constituant un maillon essentiel de la chaine de contrôle qu’ils maintiennent sur les combattants ordinaires. Sans de tels efforts supplémentaires et un nouvel élan international, les populations du Kivu continueront à supporter le coût de la présence des FDLR et des tentatives ratées de leur désarmement, et le fragile Etat congolais restera menacé.

 

RECOMMANDATIONS

 

Au Gouvernement de la RDC:

 

1.  Suspendre l’opération « Kimia II » et s’abstenir de toute nouvelle offensive militaire contre les FDLR en l’état; réorienter la priorité vers la protection des populations du Kivu contre les représailles des FDLR en établissant des zones protégées à proximité des territoires occupés par les rebelles et en maintenant le contrôle des routes principales de jour et de nuit.

2.  Participer à la planification et à la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de désarmement des FDLR comme décrit ci-dessous.

3.  Poursuivre activement la normalisation des relations avec le Rwanda, notamment par la mise en place de projets de développement transfrontaliers dans le cadre de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs et l’instauration d’un dialogue sur l’histoire traumatique de la région dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), afin de favoriser la réconciliation entre congolais et rwandais.

 

À la MONUC:

 

1  Renforcer la formation donnée aux brigades FARDC et détacher des mentors militaires au sein des unités congolaises.

2.  Intégrer des spécialistes civils dans le centre de planification militaire commun FARDC-MONUC et faciliter la conception de projets de coopération civilo-militaire visant à protéger les populations et à renforcer la confiance entre civils et forces de sécurité congolaises.

3.  Assurer que les 3 000 renforts autorisés par la résolution 1853 du Conseil de sécurité des Nations unies soient rapidement déployés à l’Est du Congo.

4  Renforcer la section Désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration, réinsertion (DDRRR) par des experts du renseignement, des opérations psychologiques, ainsi qu’avec des spécialistes juridiques pouvant faciliter la constitution de dossiers utilisables dans le cadre de procédures pour des crimes commis durant les conflits violents au Congo.

 

Aux membres de la facilitation internationale du communiqué de Nairobi (Union africaine, Union européene, Etats-Unis, Nations unies):

 

1.  Établir un mécanisme de gestion stratégique des activités de désarmement et démobilisation des FDLR, composé de personnels militaires et civils de la MONUC, de responsables congolais et rwandais, de spécialistes issus des pays de la facilitation, et d’agents de liaison avec Interpol, la Cour pénale internationale et la Banque mondiale; ces membres formuleront une nouvelle stratégie de désarmement des FDLR et coordonneront les activités de toutes les entités internationales – militaires et civiles – qui participent à sa mise en œuvre. Cette stratégie devrait comprendre:

a)  une contre-propagande et des opérations de sensibilisation intensives destinées à faciliter le désarmement volontaire des combattants de base des FDLR;

b)  des offres de relocation dans des pays tiers pour ceux qui ne souhaitent pas retourner au Rwanda ou s’installer au Congo;

c)  des actions initiées dans le cadre d’application des lois nationales visant à limiter la capacité des dirigeants politiques des FDLR vivant prin cipalement en France, Belgique, Allemagne, Etats-Unis, Canada, Cameroun, Zambie et au Kenya à opérer librement; des enquêtes et des poursuites judiciaires devront être lancées, lorsque cette possibilité est prévue par les lois nationales, pour complicité des dirigeants des FDLR dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis dans l’Est du Congo.

d)  La sélection et la formation intensive de huit bataillons de l’armée nationale congolaise (FARDC) consacrés aux opérations de bouclage et de recherche afin d’apporter un appui aux opérations des forces spéciales, en prenant garde toutefois à ce qu’une offensive militaire contre les FDLR ne soit entreprise qu’une fois l’entraî nement mené à son terme et qu’une doctrine militaire commune soit établie pour la force; et

e)  des opérations par les forces spéciales rwandaises se concentrant sur le démantèlement des structures de commandement et de contrôle des FDLR.

 

Au Gouvernement rwandais :

 

1  Participer à la planification et à la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de désarmement des FDLR comme décrit ci-dessus.

2  Présenter une liste révisée des dirigeants en activité des FDLR soupçonnés d’avoir participé au génocide de 1994.

3  Prendre part aux discussions techniques sous l’égide de l’Envoyé Spécial des Nations unies, Olusegun Obasanjo, avec des officiers FDLR ne figurant pas sur cette liste pour mettre au point les conditions de leur rapatriement ou de relocation sous supervision internationale.

4.  Poursuivre activement des relations normales avec le Congo, notamment par la mise en place de projets de développement transfrontaliers dans le cadre de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs et l’instauration d’un dialogue sur l’his toire traumatique de la région dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), afin de favoriser la réconciliation entre congolais et rwandais.

 

Nairobi/Bruxelles, 9 juillet 2009

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