France-Rwanda : Kouchner au secours de Kagame
Dans une longue interview intitulée "LE TOUR DE L'AFRIQUE DE BERNARD KOUCHNER" parue dans Jeune Afrique l'Intelligent (JAI n°2515 du 22 au 28 mars 2009), Bernard Kouchner reprend sans nuance les thèses de Paul Kagame aussi bien sur le déroulement du génocide de 1994 que sur le rôle de la France au Rwanda. Kouchner y était, semble-t-il, et rien n'a pu lui échapper. Parlant de l'affaire Rose Kabuye, Kouchner confirme qu'il a été le maître d'oeuvre de sa venue en France ainsi que de toute la manipulation qui a permis à Paul Kagame d'avoir accès au dossier de l'attentat du 6 avril 1994. Ce que dément le gouvernement rwandais par la voix de son porte-parole, Madame Louise Mushikiwabo. Qui, dans cette affaire, dit la vérité ? Qui nous ment et dans quel but ? Pourquoi le ministre français donne-t-il l'impression d'être plus royaliste que le roi dans le dossier Kabuye ? L'histoire nous le dira.
France-Rwanda Tribune reprend ci-après l'extrait relatif aux relations France-Rwanda.
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JAI : En janvier 2008, lors de votre visite à Kigali, vous avez déclaré que la France avait commis « une faute politique » en ne voyant pas venir le génocide de 1994. C'est-à-dire?
BK : Une importante erreur d'appréciation. Une erreur de vision des enjeux et de leur gravité. Je crois que le gouvernement français ne s'est pas rendu compte de ce que pouvait signifier et impliquer son soutien au régime Habyarimana, au début des années 1990. Pourtant, des massacres de Tutsis avaient déjà eu lieu.
JAI : Alain Juppé, Édouard Balladur, Hubert Védrine et les responsables militaires français de l'époque ont mal réagi à vos propos. Se sont-ils sentis visés ?
BK : Je ne les visais pas. Au contraire, j'ai soutenu l'idée de l'opération Turquoise. Et je n'ai jamais accusé ni Alain Juppé, ni Édouard Balladur, ni Hubert Védrine, ni aucun chef militaire d'avoir été mêlé à cette affaire. Je ne le pense pas une seconde. Je n'ai pas été compris.
JAI : Dans le livre qu'il vient de vous consacrer, Pierre Péan vous accuse d'avoir pactisé avec le diable : Paul Kagamé.
BK : C'est son affaire. Je ne crois ni en Dieu ni au diable. Mais si Dieu existe, il jugera. Toute ma vie, j'ai été du côté des victimes et je sais, parce que j'y étais, qu'au Rwanda il n'y a pas eu un double génocide mais un seul, celui des Tutsis par les Hutus, sur ordre. Péan dit quelque part dans son livre que les cadavres sur lesquels j'ai marché à Kibagabaga n'étaient pas victimes des Hutus mais des Tutsis. Quelle ignominie ! Il m'arrive encore d'en pleurer...
JAI : Diriez-vous, comme Pierre Péan, que le génocide a été décidé par Kagamé lui-même ?
BK : Pas une seconde. Même si j'ignore qui a abattu l'avion d'Habyarimana.
JAI : Qu'avez-vous dit au président Kagamé pour qu'il accepte que sa directrice du protocole, Rosé Kabuye, soit jugée en France?
BK : L'idée, c'est vrai, est venue d'ici. Nous n'avions aucune intention d'entraver la justice. La proposition faite au président Kagamé était la suivante : « Si vous voulez accéder au dossier de l'instruction, la seule solution est que l'un des mis en examen se livre. » Rosé Kabuye a été courageuse. Contrairement à ce que j'ai lu et entendu, il n'était pas certain qu'elle soit remise en liberté par le juge.
Tiré de Jeune Afrique l'Intelligent (JAI n°2515 du 22 au 28 mars 2009