Cinq avocats internationaux condamnent les menaces de mort proférées par Paul Kagame contre Victoire Ingabire Umuhoza
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Réponse aux récents commentaires publics faits à propos de Victoire Ingabire Umuhoza par le Président de la République du Rwanda
1. Aujourd’hui 25 juillet 2024, nous, avocats agissant pour Victoire Ingabire Umuhoza, notons avec inquiétude les commentaires faits par le Président de la République du Rwanda à propos de notre cliente pendant la campagne électorale en vue des élections qui ont eu lieu le 15 juillet 2024.
2. Les commentaires du Président sont diffamatoires, imprudemment incendiaires et dangereux.
3. Le 6 juillet 2024, le Président a pris la parole lors d’un rassemblement dans le district de Bugesera. Il a parlé du développement du Rwanda et a affirmé que « personne ne viendra détruire ce que nous avons construit ». Il a ensuite déclaré que « certains d’entre nous ont accepté d’être utilisés par ces personnes [c’est-à-dire des opposants politiques]. Ils les présentent comme des personnes extraordinaires. Ces personnes ne parviendront à rien tant qu’elles ne seront pas mortes. »
4. Le 9 juillet 2024, le Président a participé à une séance de questions-réponses avec des créateurs de contenu de médias sociaux dans le village de Mulindi, district de Gicumbi. Au cours de cette séance, il a décrit Madame Ingabire comme une « petite femme génocidaire ». Le Président s’est moqué de Madame Ingabire pour avoir cru qu’elle était une opposante politique qui voulait être présidente du Rwanda.
5. Le 13 juillet 2024, le Président a tenu une conférence de presse. À la fin de cette conférence de presse, il a fait référence à des activités dans lesquelles, selon lui, Madame Ingabire était impliquée, notamment « passer [son] temps à crier », « se battre avec le maléfique qui l’habitait », « travailler avec des gens impliqués dans la guerre dans l’Est du Congo » et « souhaiter ou dire du mal du Rwanda » avant de déclarer : « Vous savez qu’elle ne finira pas bien ». Le Président a ajouté : « On ne peut pas permettre à ces personnes [comme Madame Ingabire et Charles Onana] d’atteindre un niveau où leur action peut avoir des conséquences négatives sur le pays ou sur les Rwandais. Quand il s’agit de ce niveau, nous trouvons une solution appropriée… Lorsqu’elles disent des mensonges, réfutons ce qu’elles disent. Mais si elles dépassent les bornes, les conséquences sont claires. »
6. Ces commentaires ont été faits dans le contexte de la longue tradition du gouvernement rwandais d’étouffer toute opposition politique significative et sont tout à fait cohérents avec celle-ci. Human Rights Watch a récemment signalé que « des commentateurs, des journalistes, des militants de l’opposition et d’autres personnes s’exprimant sur l’actualité et critiquant les politiques publiques au Rwanda ont continué à faire l’objet de poursuites abusives, de disparitions forcées et sont parfois décédés dans des circonstances inexpliquées. […]
Alors que le Rwanda se prépare aux élections générales de 2024, l’espace pour l’opposition politique reste fermé. […] Plus d’une douzaine de membres de l’opposition politique sont en prison ».
7. Freedom House a récemment évalué le Rwanda comme « non libre » et a attribué une note de 8/40 au Rwanda pour la capacité de ses citoyens à exercer leurs droits politiques, signalant que le régime actuel « a également réprimé la dissidence politique par une surveillance omniprésente, l’intimidation, la détention arbitraire, la torture et les restitutions ou les assassinats présumés de dissidents exilés ».
8. La Fédération internationale des droits de l’homme a récemment constaté que « le gouvernement ne montre aucune hésitation à exterminer, littéralement et symboliquement, les voix dissidentes qui s’efforcent d’émerger et de s’organiser pour exprimer leur mécontentement, leurs peurs et leurs revendications. Le harcèlement, les arrestations arbitraires, la surveillance illégale, les tentatives d’enlèvement et les disparitions forcées font partie des techniques privilégiées par le FPR pour faire taire toute opposition. Ce qui reste de la société civile et de l’opposition politique est étranglé par la répression. […] L’espace démocratique est devenu inexistant au Rwanda et seuls subsistent des groupes politiques creux ».
9. Il existe de nombreux rapports bien documentés et crédibles selon lesquels des collègues et des membres du parti politique de Madame Ingabire ont été illégalement ciblés, arbitrairement arrêtés, torturés, portés disparus ou assassinés au fil des ans, notamment Illuminée Iragena en mars 2016, Jean Damascene Habarugira en mai 2017, Boniface Twagirimana en octobre 2018, Anselme Mutuyimana en mars 2019, Eugène Ndereyimana en juillet 2019, Syldio Dusabumuremyi en septembre 2019, Théophile Ntirutwa en mai 2020 et Venant Abayisenga en juin 2020.
10. Aucun de ces cas de ciblage illégal, d’arrestation arbitraire, de torture, de disparition ou de meurtre n’a fait l’objet d’une enquête adéquate ou d’une enquête du tout par les autorités rwandaises. Personne n’a jamais été tenu responsable de ces crimes graves.
Les activités de l’État rwandais ont favorisé un climat d’impunité absolue pour les violations des droits de l’homme commises contre les opposants politiques.
11. Il était faux, sciemment diffamatoire et incendiaire de la part du Président de décrire Madame Ingabire comme une « petite femme génocidaire ». C’était antidémocratique de la part du Président de chercher à étouffer le droit de Madame Ingabire à exprimer son opposition politique légitime.
12. Étant donné le contexte bien établi d’intolérance totale envers ceux qui osent critiquer le régime actuel au Rwanda, il était dangereux de la part du Président de déclarer que, si elle ne s’arrête pas, « nous trouverons une solution appropriée » et que « les conséquences sont claires ». La déclaration du Président selon laquelle « vous savez qu’elle ne finira pas bien » équivaut à une menace pour sa vie et sa sécurité.
13. De tels commentaires dangereux ont pour effet d’encourager des éléments éminents de la communauté rwandaise à proférer de graves menaces de violence contre Madame Ingabire. Par exemple, dans une vidéo YouTube publiée le 16 juillet 2024 et visionnée près de 34 000 fois, un « influenceur » des médias sociaux nommé Apôtre Mutabazi a déclaré que Madame Ingabire « devrait s’estimer chanceuse que je ne sois pas parmi ceux qui prennent les décisions sur ce qu’il faut faire d’elle. Je dirais qu’elle mérite une balle dans la tête. »
Les pratiques passées démontrent que tout préjudice qui pourrait arriver à Madame Ingabire serait traité en toute impunité.
14. Le gouvernement rwandais sera tenu responsable si Madame Ingabire subit un préjudice.
15. Nous appelons le Président (i) à reconnaître que Madame Ingabire a le droit de poursuivre ses activités politiques, (ii) à décourager et à déplorer publiquement toute tentative de menacer la vie et l’intégrité physique de Madame Ingabire, et (iii) à garantir sa sécurité future.
Iain Edwards , 1MCB Chambers, London, telephone contact +31 633 502 207
Emily Osiemo, Lumumba & Ayieko Advocates, Nairobi
Elisha Ongoya, Ongoya & Wambola Advocates, Nairobi
Kate Gibson, Doughty Street Chambers, London
Philippe Larochelle, Larochelle Avocats, Montreal
1 Perezida Kagame yasobanuye impamvu yagiye gutura mu Bugesera, 6 July 2024
2 President Kagame Interactive Session with Content Creators in Gicumbi District | Mulindi, 9 July 24
from 1:04:25
3 Press Conference with RPF Chairman and Presidential Candidate, H.E. Paul Kagame | 13 July 2024
from 1:19:23[1] 4 Human Rights Watch, Rwanda, Events of 2023, 2024
5 Freedom House, Freedom in the World 2024, 2024
6 International Federation for Human Rights, RWANDA: Democratic space held hostage by the
Rwandan Patriotic Front (RPF), July 2022, No. 797a, pages 4 and 23
7 Amnesty International, Rwanda: Come clean about fate of missing activist Illuminée Iragena, 26
March 2017
8 Amnesty International, Rwanda: Decades of aYacks repression and killings set the scene for next
month’s election, 7 July 2017
9 Human Rights Watch, One Month Since Rwandan Opposition Leader ‘Disappeared’; 8 November
2018; Amnesty International, Rwanda: Opposition politician found dead, 18 March 2019
10 Amnesty International, Rwanda: Opposition politician found dead, 18 March 2019; CNN, Aide to
leading Rwandan opposition politician found dead, 11 March 2019
11 Human Rights Watch, Rwanda: Disappearances Require Credible Investigations: Month Later,
Journalist and Opposition Member Still Missing, 15 August 2019
12 Amnesty International, Rwanda: Ensure justice for opposition politician stabbed to death’, 24
September 2019
13 Human Rights Watch, Rwanda: Crackdown on Opposition, Media Intensifies Space for Dissent
Closes, 19 October 2021
14 Imvugo za Ingabire Victoire kuri Perezida Kagame zirandya Mutabazi ariye karungu ninshake
mfungwe, 16 July 2024, from 0:04:08
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