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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

RWANDA :  LA COMMEMORATION DU GENOCIDE OU L’AVEU D’UN ECHEC ?

 

 

Le 7 avril 2023, comme les années précédentes, le Rwanda et toute la Communauté internationale commémorent le génocide commis contre les Tutsi en 1994. En effet, d’avril à juillet 1994 (100 jours), les Tutsi ont été victimes d’un massacre horrible qui a été vite reconnu par la Communauté internationale comme un génocide. La commémoration de ce génocide, révèle le génocide commis contre les Hutu dans toutes ses sombres aspects. Ce génocide mériterait lui aussi d’être reconnu par la même Communauté internationale.

Par cette réflexion, nous ne voulons pas aborder la question du ‘’pourquoi’’ ni du ’’ comment’’ de ces deux génocides dans un pays qui, à l’époque des faits, était considéré comme un havre de paix et d’unité nationale. Des auteurs plus compétents se sont penchés sur différents mobiles du problème[1]. Compte-tenu de la situation socio-politique qui prévaut actuellement au Rwanda et dans la Région des Grands Lacs d’Afrique, notre souci est de comprendre le sens de la commémoration de ces génocides.

De toutes les façons, ce n’est pas le menu peuple (rubanda rugufi) qui en a élaboré les stratégies et géré les tenants et les aboutissants. Car, dans le quotidien des Rwandais, les Hutu et les Tutsi cohabitent dans les mêmes villages et villes et partagent la même culture. Tout lui tombe sur la tête comme ‘’victimes’’ ou comme ‘’bourreaux’’ !   Les guerres et les génocides qui en résultent, c’est plutôt l’affaire des leaders.

Par ‘’LEADERS’’, nous entendons les dirigeants, les responsables, les meneurs…, Tutsi et/ou Hutu. Ces leaders portent la grande responsabilité dans la tragédie rwandaise. A notre humble avis, ce fut un échec pour les leaders qui ont plongé tout le peuple rwandais dans des génocides au lieu de le conduire sur les voies de la paix et de la prospérité que méritent tous les peuples.

Qu’est-ce un génocide ? Il s’agit d’un crime le plus odieux qu’un peuple ou une communauté humaine puisse subir. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948  (art. 2), et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale adopté en 1998 (art. 6), entendent par (crime de) génocide : « l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : meurtre de membres du groupe ; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »

Au cours de cette recherche du sens de la commémoration des génocides rwandais, nous allons nous intéresser successivement au génocide contre les Tutsi, au génocide contre les Hutu et enfin à la responsabilité de la Communauté internationale dans cette tragédie.

  1. LE GENOCIDE COMMIS CONTRE LES TUTSI.

Pour le Rwanda, le génocide perpétré contre les Tutsi a été pressenti avant le 7 avril 1994 puisque les leaders Tutsi du FPR-Inkotanyi (Front Patriotique Rwandais – Inkotanyi) et leurs sponsors, avaient déjà publié les chiffres avant le cataclysme qui s’est abattu sur ce pays à partir de cette date tristement mémorable. C’est dire que les planificateurs de la guerre contre la République Rwandaise qui éclata en octobre 1990 savaient déjà ce qui arriverait même si leur programme officiel et leurs objectifs étaient d’apparence nobles[2]. Ce fut plutôt un agenda caché qui se déploya sur tout le territoire depuis cette date maudite.

Dans le déroulement des événements, il apparaîtra que le FPR visait plutôt la prise du pouvoir au Rwanda à tout prix et sans partage ! Selon le scénario initial du FPR, il fallait remettre le pouvoir aux Tutsi sans qu’une goutte de sang des leurs ne soit versé. C’est pourquoi la guerre devait être brève – 3 jours -  pour secourir les Tutsi opprimés par le peuple hutu[3]. Quelques Tutsi de l’intérieur du pays étaient au courant et adhéraient à ce projet.

Pour certains leaders cyniques et les fervents conseillers du FPR-Inkotanyi, le chiffre de 50 000 victimes tutsi avait été annoncé et jugé comme un sacrifice acceptable[4], les ‘’œufs’’ qu’il fallait casser pour pouvoir manger l’omelette, selon Tito RUTAREMARA !!!

 

Echec !

Durant trois ans et trois mois de guérilla ayant évoluée en guerre classique (entre armées) qui ont précédé l’attentat contre l’avion présidentiel le 06 avril 1994, la Famille FPR-Inkotanyi (branche politique et branche armée) réussira à attirer la suspicion de la population hutu à l’égard de ses voisins de l’ethnie tutsi. Rappelons que dans la société rwandaise, tout le monde connaît tout le monde ! Du côté des Hutu, trois faits majeurs vont aggraver la ‘’tutsiphobie’’, sentiment de peur à l’égard des Tutsi[5] :

- La propagande savamment orchestrée par le FPR et son armée (APR) qui se faisait passer pour « libérateurs » des Rwandais (tutsi) opprimés.

- Le recrutement et le départ massif des jeunes Tutsi pour le front. Les recruteurs vont sillonner villes et villages, écoles, couvents et presbytères, pour mobiliser les jeunes Tutsi du Rwanda, du Burundi et du Zaïre (actuelle République Démocratique du Congo - RDC). Ceux d’Ouganda constituaient le fer de lance et assuraient l’entrainement et le commandement. Ceux que l’on pourrait appeler « les alliés hutu » vont aussi s’impliquer corps et âme dans le projet du FPR[6].

- Le nettoyage ethnique qui visait spécifiquement les Hutu dans les zones du Nord du Rwanda progressivement conquises par l’APR avec des pratiques (méthodes) inimaginables pour un être humain contre un être humain[7].

L’assassinat du Président de la République fut l’étincelle qui mit le feu aux poudres. En effet, le 6 avril 1994, l’avion du Président de la République en exercice est abattu à son atterrissage à l’aéroport de Kigali, la Capitale. Tous les occupants de l’avion présidentiel sont exterminés[8].

L’auteur ou les auteurs de cet horrible attentat pensaient avoir résolu le problème ! Au contraire, le peuple se vit subitement plongé dans une autre forme de guerre où des groupes plus ou moins organisées et sous le contrôle du FPR[9]  ont massacré une partie de la population en majorité tutsi. Pendant cette folie meurtrière, les familles des Tutsi vont payer un lourd tribu. Ce fut l’échec des stratégies machiavéliques du FPR qui consistaient à faire massacrer ses congénères et faire endosser la responsabilité aux Hutu nés et à naître[10] !

Du côté des Tutsi, parmi les victimes de cette folie meurtrière figurent aussi les combattants du FPR morts sur le champ de bataille, mais également les milliers d’éléments de l’Armée patriotique rwandaise « liquidés » par la même armée elle-même, parce que n’étant pas purs (de sang ou ayant trop fraternisé avec les Hutu) ou parce que trop ‘’intellectuels’’. Etait désigné comme ‘’Intellectuel’’ tout combattant de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) qui essayait notamment de comprendre le sens de cette guerre suicidaire ou les raisons de ces massacres des populations civiles sans armes.

Même avec la reconnaissance et la commémoration du génocide contre les Tutsi ainsi que les multiples indemnisations offertes aux rescapés, rien n’arrivera à essuyer les larmes qui coulent de leurs yeux.

Quant aux leaders Tutsi, même s’ils mangent allègrement ‘’l’omelette des œufs cassés’’ (pouvoir, richesses, honneurs…), même s’ils sont arrivés à faire reconnaître le génocide commis contre les Tutsi et faire construire les sites du mémorial avec comme ornement les restes humains de ‘’leurs congénères génocidés’’, ils devraient et pour toujours, rester hantés par les âmes de ces centaines de milliers d’êtres humains, citoyens rwandais, qu’ils ont conduits eux-mêmes sur l’autel du génocide.

La conscience des leaders tutsi, malgré les apparences, porte ce lourd poids d’avoir sacrifié leurs congénères sur l’autel du pouvoir et de la richesse matérielle. C’est du sang de leurs congénères, mélangé au sang des Hutu massacrés par leurs soins dont ils s’abreuvent dans des coupes dorées !

Nous pensons aussi, avec une profonde empathie, à tous les Tutsi et à leurs alliés hutu qui, multi-rescapés qu’ils sont parfois, ont dû fuir le pays à la conquête duquel ils ont participé. Aujourd’hui, ils escaladent péniblement, avec les Hutu rescapés, le calvaire de l’exil – certains pour la énième fois !

Les leaders tutsi, même avec les lourds galons sur leurs épaules et les titres de gloire qu’ils arborent fièrement, resteront pour toujours hantés par ces millions de civils innocents, ces millions d’êtres humains massacrés parce qu’ils sont Hutu ou parce qu’ils sont proches des Hutu.

Tous les Rwandais attendent avec impatience le jour où la JUSTICE sera rendue ! Si la ‘’terre’’ n’y arrive pas, le ‘’Ciel’’ s’en chargera !

A vrai dire, pour les rescapés tutsi, la commémoration du génocide commis contre les leurs constitue finalement un véritable aveu de l’échec de leurs leaders à les protéger alors qu’ils avaient mis en eux toute leur confiance. Du côté de leurs leaders, c’est l’aveu de l’échec à protéger et à assurer le droit à la vie de tous les Tutsi et de tous les Rwandais en général.

  1. LA COMMEMORATION DU GENOCIDE COMMIS CONTRE LES HUTU ?

Le génocide commis contre les Hutu a été cyniquement occulté par la Communauté internationale certainement en complicité avec ceux qui l’ont planifié et supervisé.

En 2022 (28 ans après !),  une initiative fut prise par les exilés rwandais d’inviter tous les Rwandais et toutes les femmes et les hommes de bonne volonté du monde entier, à commémorer aussi le génocide commis contre les Hutu depuis le 1er octobre 1990 jusqu’à ce jour[11].

Si le génocide commis contre les Hutu était lui aussi reconnu officiellement par les instances internationales, sa commémoration serait une véritable réhabilitation des Hutu du Rwanda et des peuples de la Région des Grands Lacs d’Afrique dans leur ensemble, dont les droits les plus élémentaires, y compris le droit fondamental à la VIE, ont été, jusqu’aujourd’hui, systématiquement et tragiquement niés et piétinés[12]. Ce serait la réalisation du rêve de reconquérir les droits de l’homme et la démocratie dans ce monde où, paradoxalement, ces valeurs semblent être réservées aux uns et radicalement niés aux autres.

Combien de morts au cours de ce génocide contre les Hutu qui ne fait que continuer sous plusieurs aspects ? Jusqu’à présent, personne ne peut préciser avec exactitude ce décompte macabre. Ce que tout le monde peut savoir, c’est que les lieux du génocide contre les Hutu sont particulièrement tout le territoire du Rwanda et de la RDC (République Démocratique du Congo)[13].

Depuis octobre 1990 en effet, les leaders Hutus vont assister impuissants et désabusés aux massacres systématiques du peuple rwandais en général et de leurs congénères particulièrement, par une coalition internationale dirigée par l’armée impitoyable du FPR. Les rescapés de l’extermination au Rwanda allaient errer dans les forêts de la RDC pour se faire pourchasser et massacrer comme du gibier sous le regard complice de la fameuse Communauté internationale[14]. Les estimations font état de millions de civils massacrés.

Le silence assourdissant sur ce génocide perpétré contre les Hutu auquel s’ajoutent le génocide et les crimes de guerre commis contre les autres peuples de la RDC  reste humainement  inexplicable[15].

Dans l’histoire récente et tragique du Rwanda, les leaders hutu qui ont conduit la révolution de 1959 étaient fiers d’avoir permis au peuple rwandais, Hutu – Tutsi – Twa ensemble, de prendre sa destinée en main. En effet, en proclamant la République (28/01/1961), le peuple a acquis son indépendance à l’égard du pouvoir monarchique entre les mains des seuls Tutsi depuis des siècles. Dans la foulée, ce fut la proclamation de l’indépendance (01/07/1962) à l’égard du Royaume de Belgique qui avait hérité du Rwanda comme butin de guerre à la fin de la première guerre mondiale (1914-1918).

Le ‘’calme’’ d’environ 30 ans qui a suivi, a permis aux leaders hutu de se reposer sur une ‘’fraternité’’ apparente entre Hutu et Tutsi du Rwanda[16]. Les leaders tutsi quant à eux, ont eu le temps nécessaire pour planifier et mettre en œuvre l’apocalypse qui couvre la nation rwandaise sans épargner toute la région des Grands Lacs d’Afrique.

Durant cette longue et interminable traversée de l’océan de l’horreur que vivent les Hutus abandonnés de toute l’humanité, leurs leaders, dépouillés de tout jusqu’aux droits de l’homme les plus élémentaires, vont se faire ramasser dans l’humiliation totale. Dans la suite, ils vont être jetés dans les machines à broyer l’élite hutu que furent les prisons-mouroirs du Rwanda et le tristement célèbre ‘’Tribunal Pénal International pour le Rwanda’’ (TPIR) installé à Arusha en Tanzanie.

Mais les leaders hutu avaient étaient avertis lorsque, le 1er mai 1994, le Président Bill Clinton, Président des Etats-Unis d’Amérique , par la bouche de Madame Prudence Bushnell, alors Sous-Secrétaire d’Etat pour les Affaires Africaines au département d’Etat, adressa ce message au Général Augustin Bizimungu, Chef d’Etat-major de l’Armée Rwandaise : « Et maintenant Général,  sachez désormais  que vous ne vous battez pas contre le FPR, mais bien contre les Etats-Unis d’Amérique »[17].

Commémorer le génocide commis contre les Hutus (plus de 2 millions de morts) est légitime comme l’est la commémoration du génocide commis contre les Tutsi (environs 500 milles morts[18]).  Malgré le contexte international profondément corrompu, cette commémoration serait aussi l’occasion de prendre conscience de l’échec des leaders Hutu qui n’ont pas pu protéger le peuple qu’ils avaient juré de conduire sur les chemins de la paix sociale qui mènent au bonheur et à la prospérité pour tous.

- En effet, les leaders hutu ont failli à la mission première qui leur avait été confiée par le peuple Rwandais, à savoir : protéger l’intégrité du territoire du pays et assurer la sécurité de tous les Rwandais (Hutu, Tutsi et Twa). Tous les moyens d’un Etat souverain (institutions politico-administratives, armée, diplomatie, finances, renseignement …) étaient à leur disposition.

- Ils ne sont pas parvenus à anticiper la menace pour dissuader les leaders tutsi de s’engager sur cette voie de l’autodestruction du peuple rwandais.

- Les leaders hutu n’ont pas réussi à réconcilier le peuple rwandais pour faire taire les antagonismes ethniques et régionaux qui gangrènent toujours la société rwandaise…

Une fois reconnu par tous, la commémoration du génocide commis contre les Hutu permettra aussi aux rescapés de pleurer en sécurité leurs morts. Même si rien ne pourra effacer les larmes qui coulent des yeux des Hutu pour les leurs massacrés dans une atrocité sans nom, au moins ce pas, une fois franchi, faciliterait l’avancée vers une véritable réconciliation entre Hutu et Tutsi sans oublier la pacification de toute la Région des Grands Lacs d’Afrique.

  1. ET LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DANS CETTE TRAGEDIE ?

Par la Communauté Internationale, nous entendons directement les Grandes Puissances, en particulier les pays qui se sont impliqués directement dans la tragédie rwandaise : les Etats-Unis d’Amérique, la Grande Bretagne, la France, le Canada, sans oublier la responsabilité du Royaume de Belgique, ancien pays colonisateur. Nous entendons également l’ONU et ses institutions spécialisées notamment le Secrétariat Général, le Conseil de Sécurité, le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) ; sans oublier l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine). Les forces de la Communauté internationale étaient stationnées au Rwanda de 1990 à 1996, principalement, pour protéger les populations civiles et faciliter les négociations entre les forces en conflit.

L’échec de la Communauté internationale est évident à plusieurs égards. A titre d’exemple :

- Depuis le début de la guerre en 1990 jusqu’en 1994, les forces internationales, sous différentes casquettes, étaient présentes au Rwanda. Les assassinats ciblés et les massacres de masse se sont opérés sous leurs yeux largement ouverts et bouches cousues !!!

- Les massacres de Kibeho au mois d’avril 1995 furent perpétrés en présence des forces onusiennes :  plus de 8 000 vies humaines ont été fauchées aux armes de guerre en présence des forces de l’ONU qui étaient censées les protéger !!!

- L’attaque et la destruction des camps de réfugiés dans tout l’Est du Zaïre de l’époque, furent organisées et exécutées sous le regard complaisant du HCR et d’autres organismes complices : les morts se comptent en centaines de milliers.

- L’inaction pour ne pas dire la complicité du HCR face au calvaire des réfugiés rwandais poursuivis et massacrés par le FPR à travers les forêts du Congo et ailleurs : le décompte macabre est impossible à réaliser.

- Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a été créé par le Conseil de Sécurité de l’ONU par la résolution 995 (1994) du 8 novembre 1994  pour : «  …juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 ».

Le TPIR a radicalement échoué dans la réalisation du mandat lui confié par l’ONU dans la mesure où il s’est illustré par une partialité accablante en faveur du vainqueur (les Tutsi du FPR) et validé la mise au pilori de tous les Hutu nés et à naître.

En effet, tout laisse croire que, pour les Grandes Puissances, le génocide est bon pour les Rwandais ! Les moyens qu’elles mettent à la disposition des Tutsis ou des Hutu du Rwanda pour se massacrer sont bien contrôlés : selon leur bon vouloir, ils livrent les armes à profusion aux uns et prennent l’embargo total contre les autres.

Echec ! Au lieu de répandre la paix et la démocratie chez tous les peuples, les Grandes Puissances distribuent les armes de guerre à profusion à leurs protégés d’aujourd’hui pour piller allègrement les richesses des peuples qu’ils se font le plaisir de massacrer et maintenir les rescapés dans une pauvreté avilissante.

EN CONCLUSION :

La conscience des leaders tutsi et des leaders hutu, ainsi que la conscience de la Communauté Internationale - s’il en existe une - même obscurcie par la haine et/ou la soif du pouvoir et de l’avoir, leur renvoient constamment la lourde responsabilité d’avoir massacré ou fait massacrer des millions d’êtres humains, des civils innocents et désarmés. Leur conscience est certainement tourmentée et restera tourmentée par le sang versé, par les cris de détresse et d’agonie atroce d’enfants, de vieillards, de femmes et d’hommes sans armes qui avaient droit à la vie. Même la justice humaine qui, un jour ou l’autre serait rendue, ne pourra jamais réparer l’irréparable.

Notre conscience, en temps opportun, fait revivre à chaque être humain les images et les actes posés et/ou vécus dans le passé de sa vie. Ce sanctuaire où toute personne humaine est seule avec Dieu, son Créateur, est incorruptible. Socrate disait en des termes plus concrets : « Vous pouvez cacher aux autres une action répréhensible, mais jamais à vous-mêmes ». À ce tribunal, personne n’échappe !

Vous, leaders tutsi, qui avez gagné que soit reconnu le génocide commis contre les Tutsi vos protégés, et jouissez de ses retombées juridico-politiques et socio-économiques ;

Vous, leaders hutu, qui luttez désespérément pour la reconnaissance du génocide commis contre les Hutu et réclamez qu’au moins ils soient reconnus comme êtres humains avec tous les droits y afférents ;

Peuple Rwandais, toi qui pleures les tiens, victimes de la folie meurtrière devenue récurrente,

Vous êtes tous, ensemble comme peuple, invités à faire un sursaut et trouver dans la commémoration du génocide contre les Tutsis et dans la commémoration du génocide contre les Hutu, les forces salutaires pour vous asseoir ensemble et vous dire d’abord, en toute humilité, nous avons échoué !!!. « Echouer, selon Descartes ou Kant, c’est tout simplement échouer à être humain. »[19] Et les Rwandais y sommes malheureusement arrivés !

Ainsi, nous pourrons nous poser cette question fondamentale : comment sortir ensemble de ce gouffre pour envisager un nouveau départ dans la PAIX ?

Dans l’étymologie du terme commémorer (où le préfixe grec « cum » signifie « ensemble »), il est question de souligner la dimension fondamentale de célébrer, de se souvenir ensemble d’événements heureux ou malheureux qu’un individu ou un groupe d’individus ont vécus.

Dans le cas du peuple rwandais, commémorer le génocide ou les génocides n’est pas un honneur encore moins une fierté ; mais ce geste, cet événement, aurait dû signifier : se souvenir ensemble de l’horreur du génocide contre les Tutsi et de l’horreur du génocide contre les Hutu. Il s’agirait de se souvenir ensemble de ces millions d’êtres humains qui ont été massacrés parce qu’ils appartenaient ou étaient supposés appartenir à l’ethnie des Tutsi ou à l’ethnie des Hutu - sans oublier les Twa massacrés dans l’indifférence totale.

Commémorer le génocide commis contre les Tutsi et commémorer le génocide commis contre les Hutu, c’est constater avec stupeur le fossé largement béant et horriblement profond qui sépare pour le moment les deux groupes ethniques. - N’en déplaise à ceux qui, au niveau du discours, nient l’existence du problème ethnique au Rwanda au moment où l’un des deux groupes ethniques n’a même pas le droit fondamental d’enterrer et d’honorer ses morts !

Femmes et hommes de bonne volonté, unissons-nous !

Sachons que ce gouffre qui sépare les Tutsi et les Hutu ne se remplira jamais du sang des nôtres, ni ne se satisfera jamais de nos larmes qui l’inondent constamment. Construisons plutôt des ponts pour permettre au peuple Rwandais uni d’enjamber désormais ce gouffre. Avec ces ponts, Hutu, Tutsi et Twa vont se tenir par la main non pour pleurer seulement les leurs génocidés, mais également pour construire ensemble un nouveau Rwanda. Un Rwanda dans lequel plus jamais personne ne sera tué parce qu’il est né Tutsi ou parce qu’il est né Hutu ou supposé être l’un des deux. Construire un nouveau Rwanda où plus jamais personne ne sera privé des droits de l’homme les plus élémentaires à cause de son appartenance ethnique.

Rêvons ensemble les jours qui arrivent où les leaders des Tutsi et les leaders des Hutu, la main dans la main, pourront enfin mobiliser tout le peuple rwandais pour dire ensemble ‘’PLUS JAMAIS CA !!!’’.

ENSEMBLE, avançons sur les chemins de la PAIX !

Emmanuel HABUMUREMYI

 

Du même auteur :

 

 


[1] Ici je veux parler des auteurs comme : Jean-Marie-Vianney NDAGIJIMANA ; Aloys NTIWIRAGABO ; Charles ONANA ; Pierre PEAN ; Robin PHILPOT ;   Judi REVER ; Michela WRONG, etc. Par rapport à la version officielle du drame rwandais, ils en révèlent l’autre face.

[2] Pour justifier la guerre d’octobre 1990 contre le Rwanda, le FPR-Inkotanyi affichait 8 objectifs, illustration flagrante d’un échec :

1) La restauration de l’unité nationale ;

2) L’édification d’une véritable démocratie ;

3) La mise en place d’un système économique basé sur les ressources nationales ;

4) La lutte contre la corruption, la mauvaise gestion de la chose publique et le détournement des fonds publics ;

5) La sauvegarde de la sécurité des personnes et de leurs biens ;

6) Le règlement définitif des causes du problème des réfugiés ;

7) Le bien-être social des masses

8) La réorientation de la politique extérieure du Rwanda.

(Cfr. Jean Mitari, in www.jambonews.net , 2 octobre 2015).

[3] Lire notamment : Antoine MUGESERA, Imibereho y’Abatutsi kuri Repubulika ya mbere n’iya kabiri (1959-1990), Les éditions rwandaises, Kigali, mars 2004, 445 p.

[4] Au niveau du nombre des victimes du génocide contre les Tutsi, les données diffèrent selon les sources : Avant la reprise des hostilités en avril 1994, la CIA parlait de 500 000 morts ‘’à la suite de la guerre qui allait reprendre’’ ; tandis que le Général Kagame donnait le nombre de 50 000 morts et l’ONU décréta finalement le nombre de 800 000 morts à majorité des Tutsi. (Voir : Aloys NTIWIRAGABO, Rwanda. Le mal de la région des Grands Lacs. De la guerre d’octobre 1990 au génocides des réfugiés 1996-2002, p. 18-20).

[5] Cfr Judi REVER, Rwanda. L’Eloge du sang, Ed. Maxi Mil, 2020, p. 147-165 ;

[6] Cfr. A. NTIWIRAGABO, op. cit., p. 54-65 ; 329-331.

[7] Voir Judi REVER, op. cit., p. 109-118 et 179-187 ; Voir aussi A. NTIWIRAGABO, op. cit., p. 287-.288.

[8] Sont morts dans l’attentat du 6 avril 1994 : Juvénal HABYARIMA, Président du Rwanda et sa suite ; Cyprien NTARYAMIRA, Président du Burundi et sa suite ; 3 citoyens français membres de l’équipage de l’avion présidentiel : le Major Jacky Héraud, Messieurs Jean-Pierre Minaberry et Jean Michel Perrine (cfr. Notamment A. Ntiwiragabo, op. cit.,  p. 280.

[9] Cfr Judi REVER, note 7.

[10] Cfr. Judi REVER, op. cit., pp. 167-178 : Le massacre des Tutsi de Bisesero par l’armée du PFR ; Cfr aussi : Edouard KAREMERA, Le drame rwandais, Editions Sources du Nil, p. 92-141 ; Lire avec attention : Jean-Marie-Vianney NDAGIJIMANA,  Paul Kagame a sacrifié les Tutsi, Editions la Pagaie, 2018, 158 p.

[11] Voir : Déclaration du cadre de concertation des ‘’Bâtisseurs du Pont inter-Rwandais’’, Rwanda Bridge Builders (RBB) sur les cérémonies en mémoire des victimes du génocide commis contre les Hutu au Rwanda et en République Démocratique du Congo, 9 juin 2022.

[12] Voir le constat fait, notamment, par Judi REVER, op cit., pour le territoire du Rwanda et l’état des lieux dans la Région des Grands Lacs d’Afrique du Rapport Mapping de l'ONU, août 2010 [https://www.ohchr.org/en/countries/africa/2010-drc-mapping-report].

[13] Cfr. Note 12.

[14] Cfr. A. NTIWIRAGABO, op. cit., p. 341-439 ; E. Karemera, op. cit., à partir de la p. 11-91.

[15] Lire l’ouvrage récent de Charles ONANA, Holocauste au Congo. L’omerta de la Communauté internationale…, Ed. L’artilleur, 12.04.2023, 504 p.

[16] Cfr. Stanislas BUSHAYIJA, Aux origines du problème Bahutu au Rwanda, in Revue Nouvelle, Tome XXVIII, N° 12 de décembre 1958, p. 594-597 [http://jkanya.free.fr/bushayija.html] ;

Lire : Ibaruwa y’abagaragu bakuru b’ibwami, Nyanza, 17.05.1958 [http://jkanya.free.fr/abagaragubibwami250611.html] et Le manifeste des Bahutu, 24.03.1957.

Parmi les acteurs de la vie sociale du Rwanda des années troubles 1959-1962, l’Eglise catholique officielle, Confession majoritaire, s’est régulièrement prononcée. Voir : VERITE, JUSTICE, CHARITE,

LETTRES PASTORALES ET AUTRES DECLARATIONS DES EVEQUES CATHOLIQUES DU RWANDA, 1956-1962, Document PDF, 182 p.

[17] A. NTIWIRAGABO, op. cit., p. 332-333. Lire aussi : Remigius KINTU, Terreur incognito. La conspiration des E.U.A derrière les guerres de Museveni, Discours prononcé devant la conférence annuelle de ‘’Paix & Justice’’ du Maryland, le 19.04.97.

[18] Voir note 4.

[19] Charles PEPIN, Les vertus de l’échec, Allary Editions, 2016, p.119.

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