Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Les islamistes radicaux du Mozambique ont gagné du terrain en s’infiltrant rapidement dans toute la région de l’Afrique australe, jusqu’à atteindre la frontière zimbabwéenne en 2021. Décapitations, enlèvements, attentats à la bombe et divers actes de terrorisme ont secoué une région relativement paisible, religieusement homogène, et jusqu’alors épargnée par les conflits tribaux et armés. L’exemple des Selous Scouts offre un précédent historique de lutte de contre-insurrection.

La couverture médiatique limitée de l’insurrection islamiste en cours depuis 2017 dans le nord du Mozambique, dont les affrontements se sont récemment intensifiés, peut sans doute s’expliquer par le déclenchement des hostilités en Ukraine en février 2022. Les islamistes radicaux locaux, soutenus par des groupes tels que l’État islamique de l’Irak et du Levant (EIIL) et Boko Haram, ont gagné du terrain en s’infiltrant rapidement dans toute la région de l’Afrique australe, jusqu’à atteindre la frontière zimbabwéenne en 2021. Décapitations, enlèvements, attentats à la bombe et divers actes de terrorisme ont secoué une région relativement paisible, religieusement homogène, et jusqu’alors épargnée par les conflits tribaux et armés.

Cela dit, il convient de rappeler que les territoires composant les États membres de la Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA)[1] n’ont pas toujours été pacifiés, comme en témoignent les affrontements armés et troubles politiques passés. Bien que la situation se soit stabilisée, et que le recours aux conflits armés n’est plus aussi fréquent qu’auparavant, les États de la région ont conservé leurs compétences acquises en matière de sécurité intérieure, notamment dans le domaine de la contre-insurrection.

A lire également :

Les nouvelles formes de la guerre

Le développement des Selous Scouts

Afin de comprendre comment les tactiques employées seraient à même de participer à l’éradication du terrorisme islamiste au Mozambique, un état des lieux sur le sujet s’impose. Celui-ci implique une analyse succincte des méthodes mises en œuvre par les Selous Scouts, unité spéciale de la Rhodesian Army, ainsi que de leur formation.

Si les aspects raciaux et discriminatoires de la domination rhodésienne sont incontestables, ce qui est moins souvent évoqué est le succès économique indéniable de l’État rhodésien[2], et ses tactiques militaires particulièrement avancées, acquises au cours de la guerre du Bush en Rhodésie du Sud, un conflit civil qui s’est déroulé entre 1972 et 1979. Le conflit a opposé trois partis distincts : le gouvernement dirigé par la minorité blanche rhodésienne de Ian Smith, l’Armée de libération nationale africaine du Zimbabwe, la branche militaire de l’Union nationale africaine du Zimbabwe de Robert Mugabe, et l’Armée révolutionnaire populaire du Zimbabwe de l’Union du peuple africain du Zimbabwe de Joshua Nkomo. La guerre du Bush s’est finalement soldée par la victoire de Robert Mugabe, et la naissance de la République de Zimbabwe.

S’étendant sur un territoire de 150 000 m2 en Afrique australe, entre les fleuves Zambèze et Limpopo, la Rhodésie était un État géographiquement enclavé et politiquement gouverné, entre 1965 et 1980, par des Africains d’origine européenne. Son prédécesseur, la Rhodésie du Sud, a été établi en 1923, sous la couronne britannique, en tant que colonie autonome au sud du fleuve Zambèze, qui avait auparavant été occupé et administré par la British South Africa Company et ses sous-concessionnaires.

À la suite de sa déclaration unilatérale d’indépendance en 1965, le gouvernement rhodésien avait formé un État indépendant, quoique non reconnu par la communauté internationale. En 1980, quinze ans plus tard, l’abolition du régime ségrégationniste et la mise en place du suffrage universel ont conduit la Rhodésie à devenir le Zimbabwe.

En raison de son passé colonial et de son système juridique discriminatoire, la Rhodésie est devenue un sujet politique controversé au sein du monde occidental. En Afrique, cependant, le modèle économique de la Rhodésie demeure un exemple.

À la suite de la déclaration d’indépendance du Zimbabwe, le principal soutien des politiques économiques radicales mises en œuvre par le gouvernement, telles que la réforme agraire et les nationalisations, provenait des partis communistes étrangers, principalement russes et chinois. Ces politiques économiques ont été à l’origine d’expropriations à grande échelle, qui ont conduit le pays à une crise économique sans précédent, se soldant finalement par une catastrophe humanitaire.

A lire également :

Criminalité et mafias

Un modèle de stratégie militaire

Pour revenir à la Rhodésie, à l’époque de la guerre du Bush un régiment spécifique de la Rhodesian Army a été formé dans le but de contrer les guérilleros (ZANLA/ZANU et ZIPRA/ZAPU)[3] qui menaient une guerre d’anéantissement par le terrorisme et l’insurrection contre le gouvernement rhodésien dirigé par Ian Smith (1919-2007), dans le but de mettre fin au règne de la minorité blanche. L’unité en question n’était autre que les Selous Scouts, du nom de Frederick Courtney Selous (1851-1917), célèbre chasseur et soldat rhodésien du XIXe siècle.

Le régiment, composé de seulement 460 hommes sous le commandement de Ron Reid-Daly, a opéré pendant la guerre du Bush avant d’être dissout en 1980.

Contrairement au Rhodesian Light Infantry et au Rhodesian SAS, les Selous Scouts étaient une unité interraciale avec une composante africaine noire majoritaire, puisque 94% de ses soldats étaient d’origine africaine. À l’époque, les premiers officiers indigènes de l’armée rhodésienne sortaient des rangs des Selous Scouts, et étaient donc entraînés par une unité de contre-insurrection considérée comme étant parmi les plus performantes de son époque[4]. La devise du régiment « pamwe chete » signifiant en langue shona « tous ensemble » ou « uniquement ensemble », symbolisait la forte cohésion du groupe de combat.

Le régiment sélectionnait et formait les volontaires les plus tenaces et les plus dévoués. Au cours des opérations complexes de contre-insurrection, les agents travaillaient en étroite collaboration tant en Rhodésie que clandestinement dans les pays voisins, comme le Mozambique[5].

Bien que les soldats d’ascendance africaine constituaient la grande majorité du régiment, un certain nombre d’officiers supérieurs venaient également de l’étranger. Jean Deblay, par exemple, ancien agent des scouts de Selous, était un soldat français affilié à la Légion étrangère.

Le rôle de l’unité consistait principalement en opérations de faux pavillon où de petites équipes de Scouts pénétraient les populations tribales et les insurgés, en infiltrant les réseaux locaux afin de localiser les groupes armés, puis signaler leurs emplacements au commandement central. Si leurs localisations se trouvaient dans des pays voisins comme au Mozambique, alors les Scouts lançaient des attaques terrestres et aériennes mettant en œuvre des moyens conventionnels.

La Rhodésie, qui avait unilatéralement déclaré son indépendance et ainsi rompu avec la tutelle de Londres, était, à cette époque, entourée de pays ayant aboli le modèle ségrégationniste postcolonial et s’est, de ce fait, rapidement retrouvé isolé. Les sanctions unilatérales imposées par le gouvernement travailliste britannique et démocrate américain, notamment sur les armes et les munitions, ont plongé la Rhodésie dans la précarité économique et compromis les acquis réalisés par les opérations des Selous Scouts sur le terrain.

Alors que les insurgés à tendance communistes étaient financés conjointement par la République populaire de Chine et l’URSS, le gouvernement rhodésien, sous sanctions[6] et sans soutien international de taille, se trouvait dans la double obligation de renforcer ses forces paramilitaires[7], et établir des liens diplomatiques avec la République d’Afrique du Sud, alors sous le régime d’Apartheid (1948-1991), et le Mozambique, alors sous la domination portugaise (1498-1975)[8].

A lire également :

Terrorisme au Sahel : l’exception mauritanienne

Les diverses activités des Scouts au Mozambique ont permis au régiment d’acquérir des connaissances en matière de traditions tribales locales. La tactique utilisée était toujours celle de « faux pavillon » (« pseudo-operations » en anglais) mais opéré, cette fois-ci, à distance. Cette méthode consistait en l’infiltration d’agents Scout parmi les populations tribales mozambicaines, afin de localiser les insurgés et démanteler le réseau terroriste locale, qui s’était déplacé en dehors du territoire de la Rhodésie. Cette expérience du terrain permettrait aux Scout d’appliquer des méthodes semblables au contexte actuel afin de contrer la menace islamiste contemporaine.

Les premiers conflits entre les populations chrétiennes et musulmanes au Mozambique remontent au XVIe siècle, à l’arrivée des colons portugais. Cependant, jusqu’au début du XXe siècle, le gouvernement portugais au Mozambique s’est abstenu d’intervenir dans les affaires internes des populations musulmanes[9]. Le règne des Swahilis dans la région jusqu’à la dernière décennie de l’ère coloniale peut s’expliquer, de facto, par cette non-ingérence portugaise, mais aussi par les liens étroits que la tribu entretenait avec les clans Shriazi, gouvernant les populations musulmanes. Ces relations, à la fois diplomatiques et économiques, ont initialement permis aux Swahilis de garder un certain contrôle sur l’influence de l’islam dans la région. Au XIXe siècle, les clans Shirazi ont noué des liens avec les élites dirigeantes musulmanes du continent, contribuant ainsi à l’expansion de l’islam dans d’autres régions du Mozambique[10].

Conflits au Mozambique

Bien plus tardivement, en 1975, le Frente de Libertação de Moçambique, FRELIMO est arrivé au pouvoir en prônant le marxisme-socialisme et son corollaire, l’athéisme. Ce rejet initial de la religion a pourtant rapidement été aboli en 1983, car le gouvernement considérait que la mise en œuvre politique de l’athéisme avaient eu pour incidence de pousser les groupes d’opposition à rejoindre la guerre civile, et à apporter leur soutien aux organisations religieuses radicales.

Face à ce dilemme, et depuis la fin de l’ère socialiste en 1989, le gouvernement du FRELIMO a changé de stratégie en reconnaissant progressivement des droits spécifiques aux minorités musulmanes. À la suite d’une série de réformes juridiques, les populations musulmanes ont pu accéder au parlement mozambicain. Plusieurs organisations humanitaires musulmanes ont également pu se déployer au Mozambique depuis les années 1990, à l’instar de l’Agence des musulmans d’Afrique. Une université islamique a, par ailleurs, été créée à Nampula et le Mozambique est devenu un membre de l’Organisation de la coopération islamique.

Cependant, et afin d’éviter l’ingérence d’autres États dans les affaires internes du Mozambique, les réformes juridiques du gouvernement FRELIMO dans le nord du pays ont largement associé la population musulmane à la chefferie et à la culture africaine, plutôt qu’à l’islam. Ces populations ont vécu ces réformes, qui cherchaient avant tout à les intégrer dans la population générale afin de renforcer sinon créer un État-nation au Mozambique, comme une forme d’isolement. En effet, ces dernières tendaient à limiter l’accès aux plateformes et organisations islamiques internationales, restreignant, de fait, leur influence sociopolitique locale.

Les éventuelles frustrations liées à ce dénouement, le trafic d’héroïne croissant en provenance d’Afghanistan, ainsi que l’influence des organisations terroristes internationales, peuvent expliquer la soudaine montée en puissance des groupes islamistes radicaux au Mozambique ces dernières années.

Au cours des années 1980 et 1990, les deux principaux groupes terroristes islamiques rivaux au Mozambique étaient le Conseil islamique et le Congrès islamique, représentant respectivement les mouvements pro et anti-soufis. Au début des années 2000, les deux groupuscules ont été surpassés par une nouvelle organisation terroriste, dénommée Ahl al Sunna,également connue sous l’appellation al Shabaab. Elle est créée en 2012, dans la province défavorisée de Cabo Delgado, et à la suite de l’assassinat de Aboud Rogo Mohammed, un religieux musulman kenyan. L’organisation est devenue à la fois plus influente et plus violente dans ses actions, renforcée par l’appui de nouveaux arrivants en provenance de la Corne de l’Afrique. Formé par d’anciens policiers et gardes-frontières hostiles au gouvernement en place, le groupe terroriste à l’origine de plusieurs milliers de disparitions et de décès depuis 2020, prend principalement pour cible les populations civiles.

A lire également :

Afghanistan, un an après.

Extension au Rwanda

Selon de nouvelles études, l’insurrection se propage aux pays voisins, malgré l’intervention des forces armées rwandaises. Envoyées par le président rwandais, Paul Kagamé, pour protéger les intérêts économiques du Rwanda dans la région, les troupes ont réussi, dans une certaine mesure, à apporter un soutien décisif au gouvernement du Mozambique en mettant à mal l’avancée des troupes djihadistes, sans pour autant réussir à les paralyser.

À ce jour, le degré de soutien du Zimbabwe au Mozambique reste incertain. Selon un rapport américain, les sanctions européennes et américaines contre les membres de l’Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique (ZANU-PF, parti au pouvoir) dissuadent Harare de coopérer à la lutte internationale contre le terrorisme, aux côtés des puissances étrangères et des organisations internationales.

D’après les déclarations du ministre zimbabwéen de la Défense en 2021, Oppah Muchinguri-Kashiri, le Zimbabwe a d’ores et déjà commencé à former les troupes terrestres mozambicaines, mais aucune information concrète n’est fournie au sujet de l’effectif des forces militaires envoyées jusqu’à présent. Maputo a néanmoins officiellement accepté le déploiement des troupes de la CDAA, le 2 juillet 2021, par le biais d’un accord sur le statut des forces.

Pour le moment, le président mozambicain, Filipe Nyusi, ne s’est pas exprimé publiquement sur la question. Les raisons restent ambiguës, car, en dépit du scepticisme historique du Mozambique quant à l’interventionnisme étranger, les rumeurs d’une possible implication du gouvernement mozambicain dans le commerce de l’héroïne alimentent les suspicions.

Alors que les responsables gouvernementaux nient toute responsabilité dans des activités illicites, certains experts auraient identifié l’implication du gouvernement en affirmant qu’en 2018, environ 100 millions de dollars servaient à soudoyer des membres du FRELIMO, une somme qui proviendrait des 600 à 800 millions de dollars d’héroïne entrant chaque année au Mozambique[11].

Si le gouvernement conteste les accusations, il reste certain que le commerce de l’héroïne vers l’Afrique de l’Est a augmenté de manière exponentielle ces dernières années. En provenance d’Afghanistan, transitant par la mer d’Arabie, l’héroïne est débarquée sur la côte nord du Mozambique pour ensuite être transportée par camions à 3000 kilomètres au sud jusqu’à Johannesburg, où elle est ensuite expédiée vers l’Europe. On estime qu’en 2018 près de 40 tonnes d’héroïne ont été transportées pour une valeur atteignant jusqu’à 20 millions de dollars américains la tonne. Après le charbon, l’héroïne se présente comme le deuxième bien commercialisable le plus précieux du pays, contrôlé et instrumentalisé par des organisations criminelles et terroristes multinationales[12].

A lire également :

Un éclairage inédit sur les attentats du 13 novembre 2015

Commerce de drogue

Que le gouvernement mozambicain soit ou non impliqué dans le commerce illicite qui finance les activités des groupes terroristes dans la région, et s’il décide de chercher activement de l’aide pour contrer la menace islamiste radicale, les États voisins n’auront pas d’autre choix que d’élaborer une stratégie de défense. Les relations historiques de l’Afrique du Sud avec la Résistance nationale du Mozambique (RENAMO – parti d’opposition), n’en font peut-être pas le premier choix du FRELIMO en tant qu’allié. À l’inverse, son voisin, le Zimbabwe, dispose de ce potentiel, puisque son histoire l’a, en effet, doté d’un savoir-faire reconnu dans le domaine de la lutte anti-insurrectionnelle, indispensable pour être en mesure de fournir une assistance efficace.

La solution contre-insurrectionnelle se présente alors comme la plus cohérente, notamment au regard de l’expérience passée des Scouts de Selous au Mozambique. Puisque les ripostes militaires conventionnelles se sont souvent révélées inadéquates pour contrer les insurrections terroristes en Afrique, et qu’il est peu probable que les États membres de la CDAA aient recours à un conflit armé au sens traditionnel du terme, la contre-insurrection semble être le moyen le plus adapté au contexte actuel. Partant, les forces contre-insurrectionnelles du Zimbabwe pourraient procéder, de la même manière qu’au Mozambique dans les années 1970, à des opérations de sabotage et de faux pavillon à distance. Toutefois une question demeure : la contre-insurrection suffira-t-elle pour contrer l’expansion du terrorisme islamiste dans la zone, en particulier s’il est avéré que le gouvernement mozambicain est impliqué dans le trafic d’héroïne ? Une telle implication ne serait pas surprenante si on considère les sommes d’argent exorbitantes générées par le trafic d’héroïne dans une région caractérisée par son instabilité économique. En outre, le risque d’une escalade des hostilités est à craindre, notamment si le gouvernement mozambicain intervient aux côtés des groupements terroristes afin de protéger ses propres intérêts. Quel que soit le véritable rôle du gouvernement mozambicain, la réponse au problème du terrorisme islamique reste incertaine.

Une autre solution pourrait résider dans un accord financier entre les États membres de la CDAA afin de dédommager le Mozambique pour les pertes financières induites par l’arrêt du trafic d’héroïne. Cette compensation financière pourrait prendre la forme de plans d’investissements, voire d’aides d’État, pour inciter le gouvernement mozambicain à lutter activement contre l’insurrection terroriste en démantelant le réseau responsable du trafic d’héroïne, principal moyen de financement du terrorisme islamique. Toutefois, espérer un tel résultat semble au mieux utopiste, au pire naïf, en raison des situations économiques et politiques des États qui composent la région. Caractérisés par la récession, l’hyperinflation, et des taux de corruption élevés, les systèmes économiques de certains États de l’Afrique australe ne seraient pas en mesure de supporter de tels coûts financiers.

Le développement du trafic d’héroïne et du marché noir dans la région semble inéluctable si les États membres de la CDAA ne mettent pas en œuvre une véritable stratégie destinée à le contrecarrer. Les informations connues sur les routes du trafic d’héroïne laissent entendre que les modes de transport privilégiés par voie navale sont les « doughs » ou les boutres. Il s’agit de voiliers rudimentaires de petite taille dont l’utilisation est répandue au Mozambique. Difficilement repérables, ces barques permettent aux coursiers de se fondre dans la masse sans attirer l’attention des autorités mozambicaines[13]. Si le trafic d’héroïne ne cesse de croitre, il pourrait nourrir l’expansion du terrorisme islamique dans la région. Certains États voisins et leurs représentants pourraient même y voir une opportunité et tenter d’en tirer des bénéfices.

Pour autant, le développement du trafic d’héroïne au Mozambique ne garantit pas la croissance du terrorisme islamique. Certes, il pourra bénéficier d’un soutien financier très important, mais on peut penser que son influence restera limitée, car les cultures tribales et les traditions d’Afrique Australe feraient sans doute rempart contre l’endoctrinement venu d’une culture étrangère, principal levier d’expansion du terrorisme islamique.

L’interventionnisme étranger pourrait également apparaitre comme une réponse opportune, mais elle ne semble pas en mesure d’apporter une solution durable. Au vu du durcissement des rapports américano-russes avec la guerre en Ukraine et considérants les différents intérêts privés que les deux pays détiennent dans la région, ainsi que leurs rapports complexes avec les États membres de la CDAA, une telle aide pourrait au contraire se révéler néfaste. Tout au long de la guerre froide, les pays de l’Afrique australe ont en effet fait les frais du conflit indirect entre l’Est et l’Ouest et l’interventionnisme pourrait venir aggraver une situation déjà compliquée.

Finalement, la meilleure solution reste la riposte locale, voire régionale. Les taux de corruption élevés dans la région et la situation économique générale déplorable laissent cependant craindre le pire. Reste à espérer que les États membres de la CDAA réagiront à temps et sauront régler le problème avant que la situation ne dégénère de manière irréversible.

A lire également :

Face à la contamination djihadiste : comment le Bénin muscle son système immunitaire ?

[1] Communauté économique sous-régionale composée de seize États membres suivants : Angola, Botswana, Comores, République démocratique du Congo, Eswatini, Lesotho, Madagascar, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, Seychelles, Afrique du Sud, République-Unie de Tanzanie, de Zambie et du Zimbabwe.

[2] La Rhodésie avait l’un des produits intérieurs bruts les plus élevés sur le continent africain.

[3] L’Armée de libération nationale africaine du Zimbabwe (Zimbabwe African National Liberation Army, ZANLA) était la branche militaire de l’Union nationale africaine du Zimbabwe (Zimbabwe African National Union, ZANU) ; L’Armée révolutionnaire du peuple du Zimbabwe (Zimbabwe People’s Revolutionary Army, ZIPRA) était la branche militaire de l’Union du peuple africain du Zimbabwe (Zimbabwe African People’s Union, ZAPU).

[4] Peter Stiff and Lt. Col. Ron Reid-Daly, Selous Scouts: Top Secret War, Galago, Alberton, South Africa.

[5] Sabotages et reconnaissances à distance en Zambie et au Mozambique.

[6] Rolf Hasse, « Why economic sanctions always fail — the case of Rhodesia, Intereconomics, Verlag Weltarchiv », Hamburg, Vol. 13, 1978, pp. 194 to 199. Plus de dix ans plus tard, Rolf Hasse est parvenu à la même conclusion, en soulignant la dépendance économique surestimée des pays soumis à des sanctions économiques.

[7] Tels le British South Africa Police, le Rhodesian Light Infantry, le Rhodesian Special Air Service (SAS), et le Rhodesian African Rifles qui ont finalement abouti à la formation des Selous Scouts.

[8] Anthony M. Hawkins, « The Rhodesian economy under sanctions, The Rhodesian Journal of Economics », vol. 1, no.1, Salisbury, Rhodesian Economic Society, 1967, pp. 44 to 61. Cependant, et malgré l’effort international, en 1967, Anthony Hawkins écrivait, à propos des sanctions économiques, qu’elles avaient échoué non seulement « à atteindre leur objectif politique de provoquer l’effondrement du gouvernement existant », mais aussi « à déprimer l’activité économique au mesure qui était prévue. Après douze mois de sanctions volontaires suivis de huit mois de sanctions obligatoires des Nations Unies, il y a des signes que l’économie, loin de flétrir sous la pression, recommence à croître ».

[9] La religion musulmane a été introduite par des marchands soufis, principalement originaires du Yémen, qui vinrent s’installer sur la côte Swahili. Cette région était partie intégrante d’un réseau économique plus vaste s’étendant sur l’ensemble de l’océan Indien.

[10] Liazzat Bonate, Islam in Northern Mozambique: A Historical Overview, History Compass vol. 8 no. 7, 2010, pp. 573 to 593.

[11] À ce sujet voir ‘Criminals and Terrorists’: Framing Mozambique’s Insurgency (occrp.org)

[12]  Voir à ce sujet How WhatsApp has helped heroin become Mozambique’s second biggest export – BBC News

[13] Les méthodes employées rappellent, indirectement, celles utilisées par l’Armée populaire vietnamienne et les combattants du Front national de libération du sud Viêt Nam, pour le transport du matériel militaire au cours de la guerre d’Indochine (1946-1954) et du Vietnam (1955-1975). La piste Hô Chi Minh était un réseau complexe de routes, de sentiers et de chemins ruraux. Quand le sentier était inaccessible aux véhicules motorisés, le matériel était alors transporté sur la piste, à bord de bicyclettes, en partant du nord du Vietnam, à destination du Sud. Les convois de camions étaient, quant à eux, constitués de véhicules qui conduisaient en laissant un écart les uns entre les autres, pour limiter les pertes en cas d’attaques aériennes, et pour passer plus facilement inaperçus. La similitude entre le trafic d’héroïne au Mozambique et le ravitaillement des forces communistes au Vietnam, réside dans le réseau de transport sachant que le contexte est radicalement différent.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article