"Tout en condamnant sans réserve l'invasion de l'Ukraine par la Russie, je reste persuadé qu'il convient aussi de tirer les leçons du passé et de ne pas oublier les lourdes responsabilités des États-Unis et de l'OTAN dans ce tragique engrenage guerrier." Hervé Cheuzeville
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En décembre 2021, je me suis rendu en Artsakh (Haut-Karabagh), quelques semaines après le cessez-le-feu qui arrêta l'agression militaire azerbaïdjanaise soutenue par la Turquie d'Erdogan (membre de l'OTAN). Ce cessez-le-feu avait été imposé par un homme, Vladimir Poutine, et ce sont les troupes russes qui furent ensuite déployées par Moscou pour séparer les belligérants et protéger ce qui restait de l'Artsakh, sauvant ainsi le peuple artsakhiote et lui épargnant un choix terrible entre la mort et l'exode. Pour me rendre en Artsakh, j'ai dû franchir des barrages routiers de l'armée russe et, pour ce faire, j'ai parlementé avec des officiers de cette armée (en anglais!) J'ai constaté le professionnalisme de cette armée moderne et je rends hommage au travail qu'elle a accompli dans cette partie du Caucase, d'autant que l'Occident n'avait pas bougé pour stopper l'Azerbaïdjan et son parrain turc.
Ce matin, j'ai appris comme tout le monde que cette même armée avait, sur ordre de Vladimir Poutine, commencé à bombarder et à envahir un État souverain, l'Ukraine. Je ne trouve pas de mots assez durs pour condamner cette agression, et mes pensées vont aux victimes de ce conflit qui pouvait être évité, qui auraitdûêtreévité!
Cependant, je persiste à affirmer que les États-Unis et l'OTAN ont, dans cette affaire, joué avec le feu. Pourquoi avoir orchestré la sécession du Kossovo, berceau historique la nation serbe? N'oublions pas que Kiev est le berceau historique de la nation russe. On notera d'ailleurs que l'indépendance du Kosovo n'a pas été reconnue par de nombreux pays, aux premiers rangs desquels l'Espagne (si le Kosovo a droit à l'indépendance, quid de la Catalogne, de la Corse ou de l'Écosse ? Les peuples de ces pays sont d'ailleurs autochtones sur leurs terres, contrairement aux Kosovars dans cette province historiquement serbe).
Les États-Unis imposent, de manière inique, un blocus à Cuba, depuis six décennies, suite à l'affaire des missiles soviétiques. Si la présence de tels missiles sur cette île proche des côtes de la Floride était intolérable pour Washington, pourquoi le déploiement éventuel de troupes et de missiles de l'OTAN en Ukraine devrait-il être acceptable pour Moscou? Au début des années 80, les États-Unis avaient d'ailleurs envahi un État souverain, l'île de la Grenade, dont le régime avait été jugé trop pro-Cuba et trop pro-soviétique par le président Reagan. Pourquoi l'occupation du tiers du territoire d'un État membre de l'Union européenne (Chypre) depuis 1974 par un autre État, membre de l'OTAN, ne suscite-t-elle pas d'avantage d'indignation alors que celle de la Crimée depuis 2014 est jugée inacceptable ? Rappelons que la Crimée est russe depuis la fin du XVIIIe siècle, depuis aussi longtemps que la Corse est française !
Tout en condamnant sans réserve l'invasion de l'Ukraine par la Russie, je reste persuadé qu'il convient aussi de tirer les leçons du passé et de ne pas oublier les lourdes responsabilités des États-Unis et de l'OTAN dans ce tragique engrenage guerrier.