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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Lettre adressée à Mesdames et Messieurs les responsables belges chargés de la déportation de M. NTUYAHAGA Bernard.
Lettre adressée à Mesdames et Messieurs les responsables belges chargés de la déportation de M. NTUYAHAGA Bernard.

Par le CLIIR* : Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda

Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR) vous demande en tant qu’autorités et responsables belges de renoncer à déporter Monsieur NTUYAHAGA Bernard au Rwanda où il sera en danger permanent. Cette lettre est destinée à vous éviter d’être traînés un jour devant les tribunaux belges ou européens pour répondre des conséquences de cette déportation. Cette déportation est prévue ce vendredi 21/12/2018,

La Belgique devrait se rappeler que lorsqu’en 1948 les rédacteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) avaient tenté de caractériser la personne humaine, le terme qu’ils avaient retenu parce qu’il convient à toutes les religions et à toutes les philosophies est le terme de « dignité ».

Il y a près de 20 ans, Mlle Bernadette NTUYAHAGA été séparée de son papa, M. Bernard NTUYAHAGA, lorsqu’il s’est rendu volontairement, le 10 juin 1998, en Tanzanie comme témoin oculaire auprès du TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda. Il voulait aider la justice pour le dossier des 10 casques bleus belges massacrés au Rwanda. Après une détention de quelques mois, le TPIR le libéra et lui donna un sauf conduit qui devait lui permettre de voyager. C’était le 18 mars 1999,  Le juge du TPIR saisi ordonna sa remise en liberté immédiate et instruit le Greffier d’exécuter cette décision.

Le 20 mars 1999, Ntuyahaga adressa à Amnesty International un « SOS pour personne en détresse » pour trouver un pays d’accueil car il n’envisageait ni de retourner au Rwanda ni en Zambie, pays qu’il avait quitté pour sauver sa vie.

Il souhaitait obtenir un droit d’asile dans d’autres pays membres des Nations Unies excepté le Rwanda, la Zambie, la Tanzanie, le Burundi et l’Uganda car certains gouvernements avaient comploté avec le Bureau du Procureur pour interférer dans son dossier au TPIR.

Vous comprenez que M. NTUYAHAGA a toujours refusé d’être déporté au Rwanda où il risque la mort, la prison, la torture physique ou morale, la disparition forcée, l’emprisonnement arbitraire, etc.

Le CLIIR tente de vous mettre en garde contre un nouveau scandale d’un probable « meurtre par procuration » qui rappellerait un autre ancien scandale de « l’assassinat de Patrice LUMUMBA », ancien premier ministre congolais  qui a été livré à ses adversaires congolais en janvier 1961 au Congo. On connaît ce genre de déportation qui aboutit généralement à des meurtres que les autorités Belges ont dû reconnaître quelques dizaines d’années plus tard.

En tant que Coordinateur du CLIIR, je vous prie de bien lire attentivement ma présente lettre pour vous rappeler que les valeurs universelles respectées par l’Union Européenne sont destinées à protéger les droits et les libertés ainsi que la dignité humaine.

Ma présente lettre est destinée à tous ceux des responsables belges qui, de loin ou de près, ont pris la décision de déporter M. NTUYAHAGA au Rwanda, en violation de ses droits et de sa dignité en vertu de l’article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) que la Belgique a signée : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». En envoyant M. NTUYAHAGA vers une mort certaine au Rwanda, vous manquez à votre devoir de fraternité tel qu’il est énoncé dans cette déclaration.

 M. NTUYAHAGA, qui a fini sa peine de 20 ans, garde sa qualité d’être humain. Donc, sa dignité doit être préservée en tant qu’être humain. Et cela en toutes circonstances. Puisque même un prisonnier incarcéré a des droits. Durant tout le temps de son emprisonnement, le détenu reste un être humain. Ses droits de citoyen doivent être respectés, y compris son droit à la vie privée et familiale. La sanction qu’il doit subir est la détention et seulement la détention. La seule interdiction qui lui est faite est d’aller et venir librement. Pour le reste, au lieu que tout lui soit interdit sauf exceptions, tout doit lui être permis sauf exceptions. M. NTUYAHAGA devrait toujours jouir de ses droits naturels suivants : la sûreté,  la liberté, la propriété, et le droit de résister à l’oppression. 

M. NTUYAHAGA a terminé sa peine et devait être libéré le 01/06/2018. Curieusement, un jour avant, on l’a sorti de prison pour l’enfermer à WOTTEM près de Liège sans prévenir sa famille. Suite à des dispositions des lois de la Belgique et de l’Union Européenne, M. NTUYAHAGA est indésirable sur le territoire belge. Mais sa fille Bernadette et son épouse Lucie ont la possibilité de le conduire dans un autre pays où SA DIGNITE d’être humain sera respectée. Je ne comprends pas pourquoi les autorités belges s’acharnent à déporter M. NTUYAHAGA au Rwanda où elles savent très bien que la vie, les droits et les libertés du peuple rwandais ne sont pas respectés. Les persécutions contre la famille tutsie Rwigara Assinapol et la spoliation de leurs biens (usine à cigarettes, terrains et immeubles) sont en train de défrayer la chronique de tous les médias nationaux et internationaux.

La violation systématique des droits humains par le régime totalitaire du Rwanda est toujours décrite dans tous les rapports des ONG internationales des droits humains telles que : Human Rights Watch (HRW), Amnesty International (AI), Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH).

Comme je viens de le souligner plus haut, même un détenu a des droits qui doivent être respectés. M. NTUYAHAGA a terminé sa peine, il doit vivre en sécurité et réintégrer sa famille au Danemark, pays qui sera contraint de le recevoir pour regroupement familial.

Je vous rappelle en votre qualité d’autorités et responsables belges que « la loi n’a pas tous les droits ». « La loi n’est ni religieuse, ni divine, ni cosmique, ni même naturelle, elle est humaine, faite par des humains pour des humains » (selon le Mouvement Europe et Laïcité, une ONG française).

Envoyer  M. NTUYAHAGA au Rwanda, c’est porter atteinte à ses droits et à sa dignité qui ne seront jamais respectée au Rwanda comme c’est le cas pour tout le peuple rwandais actuellement. Puisque le régime totalitaire du président rwandais Paul Kagame, qui prend en otage les autres rwandais, ne pourra pas épargner M. NTUYAHAGA qui a refusé, bien avant le génocide, de coopérer avec ses anciens adversaires du FPR qui oppriment le peuple rwandais. Il est inacceptable de traiter M. NTUYAHAGA, qui n’est plus détenu, avec autant de mépris. Comme s’il est devenu un être humain inférieur et dont la dignité, garantie par l’article premier de la DUDH, peut être bafouée en TOUTE IMPUNITE. L’inacceptable, c’est l’atteinte à la dignité. Celle-ci ruse parfois, se fait passer pour un refus de l’autre parce qu’à celui-ci il manque quelque chose, qu’il est trop autre, trop incapable, légitimement sous-privilégié. Non, nul n’est jamais légitimement traité en inférieur. Un tel traitement est inacceptable. Et il est légitime de s’en indigner.

Si une fois, déporté au Rwanda, M. NTUYAHAGA Bernard est soit tué, soit torturé, soit porté disparu ou emprisonné arbitrairement, que les autorités belges ne se mettent pas à le regretter. Comme elles ont fini par regretter l’assassinat de LUMUMBA livré, par certains responsables belges au Congo, à ses adversaires politiques qui l’ont tué.

En effet, selon un proverbe turc « un regret tardif ne sert à rien ». « La résignation est un suicide quotidien » selon Honoré Balzac. « Vivre, ce n’est pas se résigner » selon l’écrivain et philosophe français Albert Camus. « Le motif de résistance, c’est l’indignation » selon Stéphane Hessel, résistant français pendant la 2ème guerre mondiale.

Toutes ces citations des grands citoyens européens sont destinées à vous traduire notre indignation afin que vous renonciez à déporter M. NTUYAHAGA au Rwanda. Sa fille Bernadette et sa mère Lucie sont prêtes à l’accueillir dans leur pays le Danemark dont elles possèdent la nationalité et dans lequel elles sont intégrées.

Le CLIIR craint que la déportation de M. NTUYAHAGA au Rwanda soit un « meurtre déguisé ou un meurtre par procuration ». Une sorte de « second châtiment déguisé» auquel les autorités belges préfèrent l’exposer au Rwanda.

Pour le CLIIR, cette déportation est injustifiée car M. Ntuyahaga a droit de vivre en sécurité, surtout après avoir purgé sa peine de 20 ans. Sa déportation serait un véritable malheur pour sa famille. Or, « le malheur n’est vaincu que par la résistance » et « quand l’injustice devient loi, la résistance devient un devoir » selon le 3ème président américain Thomas Jefferson. La déportation de M. NTUYAHAGA n’est pas justifiée par la prétendue insécurité qu’il pourrait causer à qui ce soit. Car « l’adversaire d’une vraie liberté est un désir excessif de sécurité » selon Jean de la Fontaine, poète et fabuliste français dans sa fable Le loup et le chien..

La déportation de M. NTUYAHAGA n’est pas légitime car « il est (parfois) plus facile de légaliser certaines choses que de les légitimer » selon Nicolas de Chamfort, écrivain et moraliste français. La loi n’a pas tous les droits. Surtout le droit d’envoyer NTUYAHAGA au Rwanda, pays où sa vie, ses droits et ses libertés ne seront pas garantis. En tant que coordinateur du CLIIR, je suis très indigné par cette décision des autorités belges qui tôt ou tard vont le regretter.

Selon l’écrivain et philosophe français, Albert Camus, « Les gouvernements, par définition, n’ont pas de conscience ». Les institutions onusiennes, européennes ou autres éprouvent probablement le même problème de conscience. C’est pourquoi, je m’adresse à vous en tant qu’autorités politiques et responsables administratifs belges chargés d’éloigner les étrangers. Vous êtes des personnes en chair et en os et vous êtes dotés de conscience. Je ne doute pas de votre conscience professionnel également. Je compte sur votre bonté humaine et votre conscience en tant que citoyens et responsables belges pour vous éviter de déshonorer votre honnêteté professionnelle en déportant M. NTUYAHAGA vers une MORT atroce, puisqu’il est déjà dans le collimateur du régime totalitaire du président Paul Kagame.

M. Bernard NTUYAHAGA n’est pas DANGEREUX, il sera tout simplement en danger au Rwanda. C’est pour cela que je vous supplie de prendre toutes les précautions pour ne pas le déporter au risque de vous retrouver un jour devant un tribunal pour répondre de ce que je pourrai déjà qualifier de « meurtre par procuration ».

Comptant sur votre bonne compréhension, je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les responsables chargés de la déportation de l’intéressé, l’assurance de ma haute considération.

Fait à Bruxelles, le 17 décembre 2018

Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur (gsm 0476701569)

CLIIR* : Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda est une association de défense des droits humains basée en Belgique, créée le 18 août 1995. Ses membres sont des militants des droits humains de longue date. Certains ont été actifs au sein d’associations rwandaises de défense des droits humains et ont participé à l’enquête CLADHO/Kanyarwanda sur le génocide de 1994. Lorsqu’ils ont commencé à enquêter sur les crimes du régime rwandais actuel, ils ont subi des menaces et ont été contraints de s’exiler à l’étranger où ils poursuivent leur engagement en faveur des droits humains.

Centre de Lutte contre l'Impunité et l'Injustice au Rwanda (CLIIR) Rue de la Colonne, n°54/4 1080 BRUXELLES Tél/Fax : +32.81.601.113 GSM : +32.487.616.651 (Base) & +32.476.701.569 (Proximus)
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Prions le Tout-Puissant pour que votre supplication aux Autorités Belges, Monsieur Joseph Matata, puisse être écoutée par ces mêmes Autorités et surseoir à la déportation au Rwanda de Monsieur Ntuyahaga qui vient juste d'achever une peine lui infligée par la Justice Belge. Le déporter au Rwanda serait veritablement une injustice au delà de toute qualification!