Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Article du 25.07.16
Habibou Bangré, Kinshasa ( de notre correspondante)

 

Zeid Ra'ad al Hussein Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’HommeZeid Ra'ad al Hussein Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme UN/ONU
 
Le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme a déclaré jeudi à Kinshasa que sa base de données d’auteurs présumés de graves crimes commis en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003 restera secrète. Il explique que les mesures de protection des témoins et des victimes ne sont pas réunies, mais un haut-fonctionnaire de l’ONU qui a voulu rester anonyme affirme que des pays africains font pression pour que la liste ne soit pas divulguée.
 
Octobre 2010. Le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme publie le rapport « Mapping » sur les graves crimes perpétrés en République démocratique du Congo entre mars 1993 et juin 2003. Ce document de 550 pages couvre essentiellement les deux guerres du Congo où, entre 1996-2003, jusqu’à neuf pays – Rwanda, Ouganda, Burundi, Angola, Namibie, Zimbabwe, Tchad, Libye, Soudan – se sont impliqués. Bilan : 617 incidents graves recensés sur une décennie, dont des massacres et des violences sexuelles qui auraient surtout été commis par l’armée congolaise, des armées étrangères et des rébellions.
Ce rapport a nourri une base de données secrète de responsables présumés des exactions qui, pour majorité, peuvent être qualifiés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, tandis que d’autres pourraient relever du génocide. A plusieurs reprises, des ONG congolaises ou étrangères, comme l’américaine Human Rights Watch ou la britannique Amnesty International, ont demandé justice. La pression monte. Le 8 mars, journée de la Femme, la lettre ouverte « Non à l’impunité des viols et massacres perpétrés en RDC » a été remise à Zeid Ra’ad al Hussein, chef du Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme.
Signée par près de 200 associations congolaises, la lettre – dont la pétition, publiée le 20 octobre, a recueilli quelque 450 signatures – demande de « lever l'embargo » sur la base de données. Une requête notamment soutenue par le gynécologue Denis Mukwege, devenu célèbre pour avoir soigné des milliers de victimes de viols dans l’Est, instable depuis vingt ans. « Lutter contre l’impunité c’est une voie pour protéger les femmes que nous prenons en charge mais aussi une façon d’établir la paix… Partout où on a essayé de faire la paix sans justice, on voit très bien que ça ne marche pas !  », confie le médecin à JusticeInfo.
"Prudents"
Mais l’ONU juge qu’il serait dangereux de tout révéler. « Ce cas en particulier doit toujours être traité avec beaucoup de précaution », a expliqué Zeid Ra’ad al Hussein à la presse, jeudi à Kinshasa. Le Haut-commissariat « dispose d’informations d’une nature très sensible sur de nombreuses enquêtes différentes. Avant de dévoiler des informations à une instance judiciaire, quelle qu’elle soit, qui enquête sur les crimes présumés, nous devons nous assurer que la protection et la sécurité des témoins et des victimes est assurée. En l’absence d’un cadre de protection pour les victimes et les témoins, nous devons nous montrer prudents. »
Le Dr Mukwege entend ces arguments mais souligne qu’il « ne faudrait pas que les auteurs de ces crimes ne répondent pas de leurs actes ». « Il faudrait, assez rapidement quand même, engager un processus pour avoir une juridiction qui permette de juger les crimes – crimes de guerre et crimes contre l’humanité – qui ont été commis en RDC », insiste-t-il, alors que se fait attendre la mise en place de chambres spécialisées mixtes, qui compteraient entre autres des magistrats et procureurs congolais et étrangers pour juger les crimes commis depuis les années 90 dans l’ancienne colonie belge. 
Pour l’ONU, garder la base de données secrète vise aussi à prévenir toute entrave à l’administration de la justice. Dans une réponse écrite à la lettre ouverte des associations, Zeid Ra’ad al Hussein précise que dévoiler la liste pourrait « contribuer à la destruction de preuves et compromettre les actions et initiatives futures, en particulier les procès visant à juger les auteurs présumés de crimes graves ». Au siège de l’ONU à New-York, un haut-fonctionnaire ajoute que le blocage résulte également des fortes pressions étatiques. « D’un côté on demande la lutte contre l’impunité, et de l’autre on se heurte à la raison d’Etat », déplore-t-il. 
Qui fait barrage ?
Selon lui, le groupe Afrique à l’ONU « se mobilise pour que rien ne fuite avant "d’être sûrs des faits", mais pour être sûr il faudrait déjà que les Etats diligentent des enquêtes… ». Mais ils ne se montreraient pas très pressés. « Certains Etats semblent considérer que cela [la commission de graves crimes] fait partie des pratiques de guerre et que c’est une spécialité occidentale de s’en émouvoir. D’autres Etats ne veulent pas voir le prestige de leur armée entachée par ces accusations. A la fois par nationalisme, mais aussi par souci de garder le pouvoir, l’armée étant leur base pour se maintenir. »
Pressions de la RDC, Tchad et Rwanda
Il précise que des Etats, dont la « RDC, le Rwanda et le Tchad », ont « tous fait pression de manière différente » pour s’assurer que la liste restera dans les tiroirs. Il évoque des « menaces » de retirer les troupes déployées dans des missions de la paix de l’ONU ou encore de « faire des difficultés administratives aux agences de l’ONU ». Dans ce contexte, et avec de tels enjeux à la clé, il estime que les chances que la base de données soit publiée demeurent lointaines. « Le sujet est ultra-sensible. C’est très verrouillé : à moins d’une fuite ou d’un "Snowden de l’ONU", il n’est pas à l’ordre du jour de divulguer la liste. » 
Le Dr Mukwege regrette ces pressions. « Si on laisse faire, c’est une façon de dire aussi que quelqu’un d’autre, une autre armée, une autre organisation peut commettre des crimes et faire du chantage ! Je ne pense pas que pour des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide on puisse avoir un prétexte. Il n’y a pas de prétexte. Il faut qu’un jour vienne où les gens qui ont commis ces crimes en RDC puisse en répondre. C’est la seule voie, la voie qu’on a utilisée partout dans le monde où des crimes de guerre et crimes contre l’humanité se sont commis. Le Congo ne doit pas être une exception. » 
Reste que, en coulisses, la base de données est parfois utilisée. D’après la lettre de Zeid Ra’ad al Hussein, elle a permis d’« initier quelques poursuites » au niveau de la Cour pénale internationale (CPI), de juridictions étrangères dotées de la compétence universelle et, « dans une certaine mesure », des autorités judiciaires congolaises, comme la Haute cour militaire opérationnelle. « Toutefois, conclut le chef des droits de l’Homme de l’ONU, ces efforts à divers niveaux demeurant insuffisants, nous persévérons dans notre travail quotidien, notamment à travers des échanges réguliers avec les autorités congolaises. »
La liste secrète de l'ONU des auteurs présumés des crimes commis entre 1993 et 2003 en RDC
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
La liste secrète de l'ONU des auteurs présumés des crimes commis entre 1993 et 2003 en RDC <br /> Article du 25.07.16<br /> Habibou Bangré, Kinshasa (de notre correspondante)<br /> Cet article est terrifiant. Le président des Congolais, Joseph Kabila a déployé une armada de moyens pour faire enterrer les Rapports sur les crimes commis contre des millions de citoyens congolais. Le comble est que les opposants congolais restent muets sur ce scandale inique et inimaginable pour un homme pourvu d’une âme. Leur silence assourdissant signifie que, eux aussi, lorsqu'ils seront au pouvoir, à condition de remporter les élections présidentielle et législatives, ils continueront l'oeuvre de Kabila, si entre temps le dossier n'a pas été définitivement enterré. Un individu dit président d’un pays qui s’associe avec les bouchers de ses propres compatriotes afin d’étouffer les rapports onusien sur les massacres à grande échelle et extermination des millions de femmes, enfants et hommes congolais de tous âges et conditions c’est du jamais vu. Les Congolais qui crient sur tous les toits que Kagame a fait, il a fait cela, observent le silence de cathédral. Ils sont allés saccager l’ambassade du Rwanda en France. Or, face à l’ignominie de leur président, personne ne les entendus. Des millions de victimes congolaises du Kivu ne méritent pas une justice et encore moins une compassion humaine la plus élémentaire. La question que tout homme rationnel peut raisonnablement se poser est la suivante : Pourquoi Kabila œuvre pour l’enterrement des rapports sur crimes qui ont été commis contre les Congolais dont il prétend être président ? Pourquoi en sus de son allié et maître Kagame, est-il allé chercher les soutiens de certains présidents africains ? Pourquoi les Congolais ne réagissent pas contre le méfait gravissime de leur président. Dans un Etat démocratique, Kabila aurait été déjà débarqué de gré ou de force direction la prison pour plusieurs années. Son méfait est d’une exceptionnelle gravité. Comment les européens qui ont lu cet article peuvent-ils avoir un moindre respect à l'égard des dirigeants africains ou généralement des africains, peu importe leur pays?