Burundi : attention aux intox sur le Burundi
Rumeurs et fausses images sur les récents événements du Burundi
Article lu sur Observers.France24.com daté du 15/5/2015
Ces trois images ont circulé sur les réseaux sociaux au Burundi, et symbolisent la désinformation par l'image, en l'absence de médias indépendants.
Difficile de s’informer au Burundi depuis une semaine, alors que la plupart des radios et télés locales ont cessé d’émettre. "Notre quotidien, c’est la rumeur", affirment nos Observateurs à Bujumbura, car un flot d’images non vérifiées circulent sur les réseaux sociaux. Voici quelques exemples de désinformation que notre rédaction a identifiés cette semaine.
Les quatre principaux médias privés ont été attaqués par des soldats loyalistes (Radio publique africaine, Radio Bonesha, Radio Isanganira et Radio télévision renaissance) et une radio proche du pouvoir (Rema FM) a été saccagée par des manifestants. Seule la Radio-télévision nationale burundaise (RTNB), un média d’État, et une radio privée catholique sont encore en mesure d’émettre.
Cette absence d’information et d’images laisse le champ libre aux rumeurs. Les photos qui suivent ont par exemple beaucoup circulé ces derniers jours sur les réseaux WhatsApp et Viber entre les manifestants burundais.
>> Un avion français qui transporte des armes ? Non, un convoi de l’ONU au Libéria.
La présence d’un avion "suspect" à l’aéroport de Bujumbura, lundi 18 mai, a été l’origine de fantasmes. Des sites Internet n’ont pas hésité à affirmer qu’il s’agissait d’un avion français chargé d’armes destinées à un nouveau putsch. La photo utilisée pour l’article est censée montrer une cargaison suspecte.
La photo a en fait été publiée en 2011 par le Haut commissariat aux réfugiés. Il s’agit d’une cargaison livrée au Libéria pour des réfugiés ivoiriens. En revanche, un avion venant de France a bien atterri ce jour là à Bujumbura. Mais il s’agissait de matériel livré pour les gendarmes français venus en renfort pour protéger l’ambassade de France.
Pour Alfred (pseudonyme), journaliste de SOS Médias Burundi, la diffusion de ces informations n’est pas anodine :
>> Des images de torture de manifestants… prises au Nigeria.
Ce fut également le cas lors des manifestations de janvier 2015 en République démocratique du Congo : plusieurs images venant d’autres pays ont été utilisées pour illustrer des violences envers des manifestants. Si ces violences sont avérées, elles sont souvent illustrées par de fausses images, comme ci-dessous, avec une photo de torture venant… du Nigeria.
>> La fausse photo d’un des généraux putschistes tabassé lors de sa détention.
Le général Ndayirukiye fait partie des généraux putschistes arrêtés par les autorités burundaises la semaine dernière. Mercredi 20 mai, la photo de ce dernier, le visage tuméfié, circulait de téléphone en téléphone auprès des manifestants. Ce général était, selon les auteurs du montage photo, en danger de mort. La nouvelle aurait même ravivé les affrontements avec les forces de l’ordre.
Mais l’homme avec le visage tuméfié n’est pas le général Ndayirukiye. Son avocat, contacté par France 24, explique :
>> Des photos sorties de leur contexte pour influencer les manifestants.
Mercredi 20 mai, les manifestants du quartier Musaga font face à la police, et chaque camp tente de repousser l’autre. Dans ce contexte, une photo montrant des manifestants ayant pris le contrôle d’un véhicule de police est diffusée sur les réseaux sociaux comme symbole de la victoire des contestataires sur les forces de l’ordre.
La photo est bien réelle, mais a été prise un jour plus tôt par un journaliste de l’AFP à Cibitoke, un quartier voisin. Elle a d'ailleurs été utilisée dans un article sur le site de France 24 le 19 mai. Cette photo sortie de son contexte a des répercussions sur le terrain.
Renaud (son nom a été changé pour des questions de sécurité), un autre journaliste, explique :
Sur Internet, la riposte contre ces fausses informations s’organise. Un consortium de journalistes indépendants a créé une page "Sos Media Burundi" où sont publiées des informations vérifiées par des journalistes sur le terrain, mais qui restent anonymes de peur de représailles.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à France 24.