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Publié par Rédaction F-R-T

Braeckman.jpgPar Colette Braeckman

29 janvier 2013

De coup d’épingle en coup d’épingle, les relations entre la Belgique et le Rwanda ne cessent de se détériorer. Le dernier incident en date a entraîné le départ d’un adjoint de l’attaché militaire belge à Kigali, en poste depuis deux ans et demi. Cet officier de 52 ans était officiellement chargé de veiller sur la sécurité du personnel de l’ambassade et de garder à jour les plans d’évacuation des ressortissants belges vivant au pays des Mille Collines. « Il n’a fait que son travail » nous assure-t'on du côté rwandais, sans autre précision. Dans le contexte actuel, il serait cependant douteux que le travail d’un attaché de défense se limite à de banales questions de routine : le sous officier, comme nombre de ses collègues occidentaux, s’intéressait aussi à la situation prévalant sur la frontière congolaise, du côté de Gisenyi, la ville rwandaise jumelle de Goma.
La situation au Kivu en effet demeure explosive : les rebelles du M23 campent à deux kilomètres du centre de Goma. A Addis Abeba, l’Union africaine a remis « sine die » la conclusion d’un plan de paix global pour la région, qui aurait associé les Nations unies et une force africaine à la stabilisation de l’Est du Congo, il est question d’un retour massif de réfugiés hutus en février tandis que des Tutsis congolais sont de plus en plus nombreux à franchir la frontière rwandaise, leur nombre dépassant déjà les 100.000 personnes. Dans un tel contexte, le Rwanda a renforcé ses mesures de sécurité sur sa frontière avec le Congo et, au delà des dénégations officielles, tous les observateurs occidentaux tentent d’évaluer le soutien que Kigali apporte aux rebelles congolais du M23.
Une sollicitude qui n’est pas du goût des autorités rwandaises. Dans un tel contexte, la situation de la Belgique est particulière. Certes, Bruxelles n’a cependant pas adopté de sanctions concrètes à l’encontre du Rwanda et maintient une assistance qui dépasse le milliard d’euros mais elle développe aussi avec le Congo une coopération militaire très appréciée, ayant entre autres formé deux bataillons para-commandos qui se sont trouvés face au M23 et ont sans doute informé leurs instructeurs demeurés à Kindu des soutiens que, selon eux, leurs adversaires avaient obtenu des voisins rwandais. Bref, les Belges, plus que probablement, savent beaucoup de choses, ils les communiquent à leurs alliés occidentaux et ont collaboré avec les experts de l’Onu qui ont rédigé les rapports décrivant l’implication rwandaise au Congo.
L’expulsion de l’attaché de défense doit donc être lue comme un signal de mécontentement adressé de Kigali à Bruxelles et le ministre Reynders a prié l’ambassadeur rwandais à Bruxelles de venir lui fournir de plus amples explications.
Car cet incident n’est pas le premier : on sait que, depuis 2011 les comptes de l’ambassade belge à Kigali sont bloqués, en rétorsion à une mesure semblable décidée par un tribunal belge à la suite d’un litige commercial (ce qui, soit dit en passant, est contraire aux Conventions de Vienne et aurait pu être réglé depuis belle lurette…)De plus, alors que les ressortissants américains, entre autres, peuvent entrer librement au Rwanda, les Belges se voient imposer un délai de 21 jours pour l’obtention d’un visa, une vexation dont ils ont l’exclusivité. A la suite des trois rapports déposés par des experts de l’ONU, plusieurs pays occidentaux, dont les Etats Unis et la Grande Bretagne, alliés traditionnels du Rwanda, ont réduit le volume de leur coopération et lancé de fermes avertissements, sans pour autant subir de mesures de rétorsion. Dans le cas de la Belgique, le Ministre des affaires étrangères Didier Reynders, qui, sans prendre de mesures concrètes, n’a jamais caché sa préoccupation face à l’implication rwandaise au Congo, a eu droit à un « traitement de défaveur » : alors qu’il assistait à une session consacrée à l’Afrique des Grands Lacs en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, le président Kagame quitta la salle alors même qu’il prononçait son discours. Par la suite, lors de l’élection du Rwanda au Conseil de sécurité pour une durée de deux ans, la Belgique décida de s’abstenir, ce qui fut considéré à Kigali comme « peu amical ». Par la suite, Bruxelles devait émettre un autre signal, tout aussi symbolique : mettre fin à sa coopération militaire avec le Rwanda, coopération qui se limitait à la présence, pour six mois, d’un médecin militaire à Kigali. La présence de stagiaires rwandais à l’Ecole royale militaire n’a cependant jamais été mise en cause.
Sans aller jusqu’à la rupture, les relations entre la Belgique et le Rwanda ont rarement été aussi mauvaises.

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