Les députés français et la politique africaine de la France
La Croix du 19/12/2008
Dans un rapport présenté mercredi, la mission d’information sur la politique de la France en Afrique demande que le Parlement participe à la définition d’une relation « vitale »
Le Parlement veut être davantage associé à la politique de la France en Afrique. C’est ce qui ressort du rapport de la mission d’information parlementaire sur la politique de la France en Afrique, présenté mercredi. Mené par le député UMP du Haut-Rhin Jean-Louis Christ, ce groupe de 10 députés de tous bords politiques a produit un diagnostic teinté d’inquiétude sur les liens «étroits et complexes»
unissant la France au continent qui lui est le plus proche.
« L’Afrique, ces derniers temps, a plus bougé que le regard français sur l’Afrique», estiment les députés, qui appellent à
« un changement de style et de ton ».
Ils dressent notamment un tableau sombre de la présence économique. «À l’heure actuelle, les entreprises françaises se désintéressent du continent africain, largement perçu comme un marché marginal par rapport à d’autres marchés, asiatiques notamment», écriventils. Une évolution paradoxale puisqu’elle coïncide avec l’afflux massif d’opérateurs économiques chinois sur le continent. En 2007, le volume d’échanges de la Chine avec l’Afrique (47 milliards d’euros) a ainsi dépassé celui de la France (38 milliards d’euros). «L’Afrique oubliée est désormais devenue l’Afrique courtisée pour ses richesses énergétiques, ses matières premières et son potentiel de développement économique et commercial», constate le rapporteur, Jacques Remiller, député (UMP) de l’Isère.
Autre constat des députés: le recul de la francophonie, découlant en partie de l’amenuisement de la coopération dans le domaine de l’enseignement depuis quinze ans, « qui fait sentir ses effets négatifs sur les générations montantes», éprouvant « le sentiment d’être délaissées » . Incitant à investir dans des domaines où la France dispose d’ «avantages comparatifs» par rapport à d’autres partenaires potentiels, la mission parlementaire invite à une coopération renforcée en matière d’éducation et de formation.
Le problème des moyens se pose naturellement, sur fond de réduction des budgets consacrés à la coopération. « Un de nos interlocuteurs nous a dit : “Vous avez l’ambition des États-Unis avec les moyens du Danemark” », remarque Jacques Remiller. Ce dernier a succédé cet été comme rapporteur à Renaud Dutreil, auteur d’une première version du rapport qui avait été repoussée par la majorité des membres de la mission car jugée trop focalisée sur l’économie. Dans ce nouveau texte, la mission estime que la France «doit continuer d’incarner et de défendre (…) les principes démocratiques d’égalité des chances, de respect des droits et libertés individuels et de solidarité »,
et que ses actions de coopération ne doivent pas être « exclusivement justifiées par des exigences de rentabilité ». Les députés jugent aussi que les relations avec les pays africains doivent s’appuyer davantage sur des acteurs non étatiques, « en particulier le Parlement et la société civile ».
La politique de la France en Afrique est restée, depuis 1958, « une prérogative élyséenne», reconnaissent les députés, qui n’interviennent pratiquement qu’à l’étape du vote du budget de la coopération. Mais, inspirés par le concept de «coproduction législative » émis par JeanFrançois Copé, président du groupe UMP, ils demandent l’organisation d’un débat annuel au Parlement sur le sujet. Ils rappellent l’engagement d’ « associer étroitement le Parlement aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique » pris en février dernier par Nicolas Sarkozy dans son discours du Cap.
L. d’Ersu