Je maintiens que la France n’a rien à se reprocher au Rwanda.
Tout en prenant acte que M. Pierre Brunet croit à ma bonne foi, je maintiens que ni la France ni son armée n’ont quoi que ce soit à se reprocher dans les affaires du Rwanda.
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Bien qu’il ait été sur place (où et quand exactement ? A-t-il rencontré les responsables de l’opération Turquoise ?), le romancier Pierre Brunet ne remet pas en cause la narration répandue par la puissante machine de communication de Paul Kagame et de ses alliés anglo-saxons.
Cette narration est erronée sur plusieurs points capitaux :
Il y a eu entre 500 000 et 800 000 morts au Rwanda même, surtout en 1994, mais il y en a eu quatre millions au Congo-Kinshasa dans les années qui ont suivi (rapport Mapping des Nations-unies de 2010), principalement du fait de l’armée rwandaise tutsie de Kagame qui, après avoir conquis le Rwanda, a envahi ce qu’on appelait alors le Zaïre ; les victimes étaient soit des réfugiés hutus (qualifiés de « génocidaires », y compris les femmes et les enfants souvent terriblement mutilés comme en a témoigné le Dr Mukwege, prix Nobel de la Paix 2019, qui soignait celles-ci), soit des Congolais. Quand le Congo est passé sous le contrôle de Kagame par présidents fantoches interposés, l’armée congolaise a participé aux massacres. Dire que dans un cas il s’agit de génocide (celui des Tutsis) et dans l’autre de simples massacres (celui des Hutus) relève de la scolastique. On peut reconnaitre que quelques centaines de milliers de Tutsis ont été victimes des Hutus au Rwanda sans oublier les massacres de Hutus et de Congolais près de dix fois plus étendus au Congo.
Qu’à l’indépendance, lors de la prise du pouvoir par la majorité hutue au Rwanda en 1962, de nombreux Tutsis aient été massacrés ou contraints à l’exil ne légitimait nullement une reconquête. Dans le Burundi voisin, où les Tutsis avaient conservé le pouvoir, les massacres de Hutus furent bien plus importants : 300 000 en 1972, 50 000 en 1988. Le dernier (encore 200 000 victimes ?) a eu lieu en 1993 et, à l’approche de l‘armée tutsie, a fait craindre le pire aux Hutus du Rwanda qui savaient cela.
Les enquêtes de Pierre Péan et de Judi Rever (qui reposent notamment sur des documents du Tribunal pénal international pour le Rwanda – TPIR) ont montré qu’au fur et à mesure que l’armée tutsie de Kagame (dite APR) entrait au Rwanda, elle massacrait à tour de bras les populations hutues, suscitant la fuite d’un million de réfugiés vers Kigali. Toutefois la communication de Kagame, assisté de grands cabinets américains, a été infiniment mieux maîtrisée que celle des Hutus. Les massacres perpétrés par ces derniers ont été vus en direct dans le monde entier alors que ceux de Kagame ont été soigneusement cachés et parfois même travestis aux yeux de correspondants crédules en massacres opérés par le camp adverse. Faut-il aller jusqu’à dire comme Judi Rever que Kagame a délibérément laissé massacrer ses congénères pour mieux légitimer son pouvoir en victimisant son ethnie et aurait même infiltré les milices hutues (dites Interahamwe) pour les exciter au meurtre ? Le fait que le livre de cette journaliste canadienne, In praise of blood, the crimes of the Rwandan patriotic front (2018), fruit d’une vie d’enquête, ait été salué par la critique internationale témoigne en tout cas d’un début de retournement de l’opinion.
Le débat suivant entre Jean-Pierre Elkabbach et Raphaël Glucksmann, ce dernier étant à l’origine de notre controverse, montre la légèreté des informations du philosophe :
Pour la première fois, il y avait deux présidents hutus (une ethnie qui représente, rappelons-le, 90 % de la population) au Rwanda et au Burundi, alors que ces pays avaient été soumis à la minorité tutsie depuis le Moyen-âge (ce qui montre l’absurdité de l’idée répandue par Kagame que les Tutsis seraient les juifs de l’Afrique centrale !). Par quelle singulière aberration a-t-on pu faire croire que, quand ils sont abattus tous les deux, des Hutus étaient à l’origine de l’attentat ? D’autant que ces présidents, vivant au milieu d’autres Hutus, point n’était besoin qu’ils prennent l’avion pour les assassiner.
Le juge Bruguière a très vite compris la responsabilité de Kagame. Depuis, les preuves à son encontre se sont accumulées : traçage des lots de missiles utilisés et surtout aveux des proches de Kagame entrés en dissidence. Ces témoins sont pourchassés à travers le monde par les sbires de Kagame pour qu’ils ne puissent pas parler. Après Patrick Karegeya qui voulait parler au juge Trevidic qui avait repris le dossier, deux ont été assassinés en 2018 après que le même juge, avec une incroyable légèreté, a donné leur nom aux avocats de Kagame ; la semaine dernière, on a appris l’assassinat d’un troisième témoin en Afrique du Sud.
La décision de non-lieu, rendue le 24 décembre 2018 à 11h du soir, est heureusement frappée d’appel.
La France a en effet livré, dès le début du conflit, des armes au gouvernement légitime de Juvénal Habyarimana pour qu’il se défende contre une agression. Cette aide a cessé avec les accords d’Arusha (1993) ; elle a peut-être repris quand il s’est avéré que la partie en face continuait à être aidée par les Anglo-Saxons. Mais la France n’a pas fourni les machettes qui furent le principal instrument des massacres. Plutôt que de mettre en cause la France, il serait mieux venu de mettre en cause les Anglo-Saxons qui ont aidé Kagame dès le début de son équipée. Boutros-Ghali, secrétaire général de l’ONU au moment des faits, a déclaré que la responsabilité des massacres du Rwanda reposait à 100 % sur les Etats-Unis. On n’a pas connaissance qu’ils aient jusqu’ici exprimé le moindre remords ni que personne leur ait demandé d’ouvrir leurs archives.
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Quand Paul Kagame a été mis en cause par la justice française dans l’attentat de Kigali, il a aussitôt contre-attaqué en inventant la complicité de notre armée dans le génocide, ce que beaucoup de Français ne demandaient qu’à croire. Le général Lafourcade, commandant de l’opération Turquoise, a expliqué qu’avec des moyens très limités, elle ne pouvait pas être partout. Sommé par le procureur Carla Del Ponte d’apporter des preuves à ses accusations, Paul Kagame n’en a jamais fournies. Il n’a jamais non plus laissé le Tribunal pénal international enquêter librement au Rwanda.
Il y a longtemps qu’une certaine attitude hostile à tout ce que fait la France en Afrique y pave la voie de la pénétration des Américains et des Chinois. Il est temps que notre pays cesse de battre sa coulpe, surtout quand il n’y a pas la moindre raison de le faire.
La manière dont les événements du Rwanda ont été traités par le « mainstream » international apparaîtra, le jour venu, pour ce qu’elle est : une des plus grandes manipulations de l’histoire.
Je maintiens que la France n'a rien à se reprocher au Rwanda - Causeur
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