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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

le vendredi de 7h32 à 7h35Ecoutez l'émission

4 minutes

04.04.2014

Au Rwanda, il y a vingt ans, par dizaines voire centaines de milliers, les tueurs ont pris la machette. Leur mission : les tuer tous... Tous les Tutsi et aussi ceux que le pouvoir de l’époque présentait comme leurs complices : les Hutu démocrates ou « modérés », par opposition aux Hutu extrémistes qui étaient les tenants du génocide. Depuis, chaque année, le Rwanda se penche sur son passé « pour mieux regarder vers l’avenir », selon l’Etat. 

 

Particularité de ce génocide : tueurs et rescapés « voisinent » et cohabitent,  bon gré mal gré, dans une forme de non-dit historique. En effet, depuis la fin du génocide, toute référence explicite à la notion d’ethnie est interdite, même si le génocide a ancré l’ethnisme dans la réalité et dans la conscience collective rwandaise et universelle. Pourtant, au cours de la semaine de commémoration officielle, le tabou est levé. Les médias diffusent à la chaine des documents d’archives et des programmes liés au génocide.

Déterrement LAURE DE VULPIAN © RADIO FRANCE

 

Selon un rituel désormais bien ancré, le pays adopte la couleur du deuil, le violet et s’interdit toutes festivités. Les survivants ouvrent les fosses communes et exhument les restes de leurs proches , à la recherche d’un objet, d’un bijou ou d’un morceau de pagne qui auraient appartenu à une mère, une sœur ou un fils. Les ossements sont lavés avec soin, pour honorer les morts. A ces opérations de « déterrement », succèdent des inhumations collectives « en dignité » dans les différents Mémoriaux.

Le 7 avril, au cours de grandes veillées nocturnes, les rescapés livrent leurs témoignages, toujours déchirants, au cours desquels ils font publiquement le récit de la perte des leurs et de leur « devoir de survie ».

 

Ces commémorations peuvent sembler cruelles. Mais ce retour organisé et socialisé de la douleur est vécu comme une nécessité par les rescapés, pour qui l’oubli serait comme une seconde mort de leurs proches. A l’inverse, le reste de la population accepte en silence – et parfois à contrecœur - ce ressassement du passé.

Ce qui a conduit l’Etat à décider récemment que les grandes commémorations nationales seraient désormais quinquennales. A terme, on va donc assister à une privatisation de la mémoire du génocide.

Dans ce contexte, comment ne pas revenir sur cet événement, tragique et universel ? Cette vingtième commémoration est une invitation à s’interroger : qu’est-ce qu’être une rescapée de ce génocide ? Concrètement, c’est avoir été soi-même un gibier, une proie. C’est avoir été le « cafard » que l’autre voulait absolument écraser, exterminer ; l’ennemie à chasser, à débusquer, à violer, à tuer. Et in fine, c’est survivre à ses proches, à sa famille… parfois en restant « seule au monde ». 

 

 

Je ne voyais pas pourquoi vivre sans ma famille et mes enfants

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Deux fois déjà, Leiny a témoigné de son calvaire, publiquement, lors de commémorations récentes à Paris. Cette pratique est répandue chez les rescapés rwandais de France et d’ailleurs. Elle est d’un grand réconfort.

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Les époux Patureau © RADIO FRANCE

La Rwandaise Espérance Patureau n’était pas au Rwanda pendant le génocide. Elle a eu la vie sauve, certes, mais elle a perdu presque tous ses frères et sœurs.
Mariée à un Français depuis 1979, Espérance vit à Chalette, à côté de Montargis (Loiret). C’est elle qui a fondé la cellule locale d’Ibuka qui compte aujourd’hui 25 membres, tous « Blancs ». Pour elle, ce sont « des frères et des sœurs » à qui, elle, Rwandaise, permet de« toucher l’histoire du doigt ».

 

Elle dit pourquoi et comment elle commémore ce génocide, qu’elle a vécu à distance.

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Bernard Patureau est le mari d’Espérance. Cet ancien ingénieur agronome explique ce qu’ont été ces vingt dernières années, pour elle et pour lui :

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En France, certaines personnes regrettent une commémoration "parcellaire" du génocide rwandais. Ils 'agit souvent de Hutu qui aimeraient qu'on n'oublie pas les victimes des représailles du FPR suite au génocide.

Jean-Marie Vianney Ndagijimana 

 ABDELHAK EL IDRISSI © RADIO FRANCE

Jean-Marie Vianney Ndagijimana a été ambassadeur du Rwanda à Paris de 1990 à 1994, puis éphémère ministre des Affaires étrangères. Pour lui les Hutu ont également été victimes d'un "génocide", non pas par l'ampleur mais par l'intention. Il vit aujourd'hui à Orléans, et continue de demander une commémoration de "toutes les victimes" :

 

Les Hutu doivent se cacher la nuit pour aller faire leur devoir de mémoire

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Des commémorations officiellement « difficiles »

Commémorer en France, cela ne va pas forcément de soi pour différentes raisons, historiques ou politiques. Tout simplement parce que le soutien que Paris a apporté avant et pendant le génocide au régime hutu pèse de tout son poids. Depuis, jamais la France n’a reconnu la moindre faute, la plus petite responsabilité effective, au contraire des Etats-Unis, de l’ONU et de la Belgique. Seul Nicolas Sarkozy, a reconnu « de graves erreurs d’appréciation et une forme d’aveuglement » de la part des autorités françaises. C’était le 25 février 2010, lors de sa visite officielle au Rwanda.

Marcel KabandaLAURE DE VULPIAN © RADIO FRANCE

Difficulté supplémentaire et de taille : une procédure judiciaire pour « complicité de génocide et de crimes contre l’humanité » vise depuis 2005 des militaires français et, potentiellement, les politiques qui ont donné les ordres aux généraux. On comprend mieux pourquoi ce « dossier rwandais » est sensible, au point de constituer dans certains milieux un abcès de fixation.

Impossible dans ces conditions d’obtenir, pour l’instant en tout cas, un monument ou un lieu de mémoire à Paris, qui soit dédié aux victimes du génocide des Tutsi.

Ce n’est pourtant pas faute de le demander, selon Marcel Kabanda, historien et président d’Ibuka-France.

 

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Et pourtant, Rémi Korman, doctorant à l’EHESS, veut croire à une embellie. Il prépare une thèse sur « la construction de la mémoire du génocide des tutsi au Rwanda ; étude des processus de démoralisation ».

Les Français ont une vision assez vague du génocide rwandais

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Les monuments existants :

A Cluny en Saône-et-Loire, depuis le 11 avril 2011
A Dieulefit dans la Drôme, depuis le 29 juin 2013

A Bègles en Gironde, depuis le 30 novembre 2013 

Et bientôt :
A Toulouse, le 12 avril 2014.
Et le 17 mai 2014 à Chalette (45).

 

 

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