L’Union africaine part en guerre contre la Cour pénale internationale
À la demande du Kenya, un sommet extraordinaire de l’Union africaine s’est tenu le 12 octobre sur les relations entre la Cour pénale internationale et l’Afrique.
Uhuru Kenyatta, le président kenyan, le 12 octobre 2013
ELIAS ASMARE / AFPL’UA demande « le sursis des poursuites » contre les dirigeants kényans.
Un premier procès a commencé en septembre. Un second doit s’ouvrir en novembre.
Dans sa résolution finale, le sommet « demande le sursis des poursuites, en vertu de l’article 16 du statut de Rome », traité fondateur de la CPI. Cet article permet au Conseil de sécurité de l’ONU d’imposer à la CPI la suspension de toute enquête ou poursuite pour une durée d’un an, renouvelable de facto indéfiniment chaque année.
DEMANDES DE RENVOI
L’UA réclame que cet ajournement intervienne avant le commencement du procès d’Uhuru Kenyatta, le 12 novembre, à La Haye. Le procès de son vice-président William Ruto – et de son coaccusé, l’animateur radio Joshua Arap Sang – s’est ouvert le 10 septembre.
L’UA compte également proposer au Conseil de sécurité le renvoi des poursuites contre le président soudanais Omar El Béchir, objet d’un mandat d’arrêt de la CPI. « Aucune poursuite ne doit être engagée devant un tribunal international contre un chef d’État ou de gouvernement en exercice », affirme l’organisation dans sa résolution.
Cependant, l’article 27 du statut de Rome prévoit qu’aucune « qualité officielle » – notamment celle de chef d’État – ou « immunité » ne peut être opposée à la CPI.
LE CONTEXTE KÉNYAN
En mai 2013, après la victoire à la présidentielle d’Uhuru Kenyatta et de son colistier William Ruto, poursuivis depuis 2011 pour crimes contre l’humanité, les 54 membres de l’UA avaient quasi unanimement dénoncé un acharnement du tribunal de La Haye. Les deux hommes sont poursuivis pour leur rôle présumé dans les violences politico-ethniques qui avaient suivi la précédente présidentielle kényane, fin 2007, durant lesquelles plus de 1 000 personnes étaient mortes.
La Cour a refusé aux deux dirigeants kényans la possibilité de ne pas assister à toutes les audiences à La Haye, en dépit des obligations liées à leurs fonctions. Ils sont les premiers dirigeants en exercice jugés par la CPI.
Lors du sommet extraordinaire le 12 octobre, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a estimé que l’UA visait davantage à protéger les« leaders » que les « victimes ».
LES DOSSIERS DE LA CPI
Depuis son entrée en fonction en 2003, la Cour pénale internationale a ouvert des enquêtes dans huit pays, tous africains. Seuls des Africains ont jusqu’ici été inculpés ou condamnés à la CPI. L’Union africaine l’accuse de mener « une sorte de chasse raciale » .
Les enquêtes ouvertes en République démocratique du Congo (RDC), en Centrafrique, au Mali et en Ouganda l’ont été à la demande des quatre États concernés. Les affaires concernant le Darfour et la Libye l’ont été à la demande du Conseil de sécurité de l’ONU, tandis que le procureur de la CPI s’est auto-saisi des dossiers kényan et ivoirien.
Pierre COCHEZ