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Publié par JMV Ndagijimana

Un article de Laurent d'Ersu

La Croix

Nord-Kivu, l’appel au secours
Face à la situation dramatique en RD-Congo, les responsables des Nations unies, les ONG et les évêques de la région alertent la communauté internationale

La rébellion congolaise veut s’implanter durablement
Dans les zones nouvellement conquises par les forces de Laurent Nkunda, le changement de pouvoir s’est accompagné de crimes de guerre qui laissent augurer une domination par la contrainte.

RUTSHURU, KIWANJA
De notre envoyé spécial

«P
our choisir nos dirigeants, allons aux urnes ! » Sur le bord de l’avenue princi­pale, le panneau est toujours là, anachronique. Deux ans après les premières élections libres en plus de quarante ans en République démocratique du Congo, les habitants de la ville et du « territoire » (canton) de Rutshuru, au Nord-Kivu, viennent de passer sous la férule d’une rébellion, celle du général déchu Laurent Nkunda, qui contrôlait déjà, depuis plusieurs années, deux territoires voisins.
Ce changement de mains s’est accompagné de violences et de pillages dans les zones de combat, et d’exécutions de nombreux civils à Kiwanja. Le 4 novembre, des milices semi-traditionnelles des Maï-Maï ont en effet tenté de reprendre ce bourg voisin de Rutshuru. Après une contre-offensive victorieuse, les combattants du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda se sont livrés à des dizaines d’exécutions sommai­ res de civils accusés de complicité avec les assaillants. Une mission d’enquête de la Mission de l’ONU en RDC (Monuc) aurait identifié une soixantaine de civils tués, mais, selon des sources locales, le bilan pourrait atteindre 300 morts.
Dans le quartier de Mabungo, il n’est pas un pâté de maisons qui n’ait vu un de ses habitants, généralement un homme jeune, être assassiné. « Dans cette maison, trois jeunes se cachaient, relate un riverain en désignant une modeste maison de pisé. Les gens du CNDP les ont fait sortir et les ont exécutés sur le pas de la porte. » À quelques dizaines de mètres, c’est un autre habitant qui a été « cartouché » sans autre forme de procès.
Une mère de famille raconte com­ment ses quatre fils ont été enlevés puis exécutés le 6 novembre, le lendemain de la contre-offensive.

«Les militaires de Nkunda sont venus les chercher à la maison et les ont emmenés sur la colline de Kamulima. C’est là qu’ils les ont fusillés. On les a enterrés hier. Je n’ai plus d’enfants. Ils avaient 25 ans,
23 ans, 20 ans et 18 ans. Le second avait deux enfants. »
Démentant des « allégations tendancieuses et diffamatoires»,
Laurent Nkunda a reporté la faute sur le gouverneur du Nord-Kivu, Ju­lien Paluku, qui aurait, au cours des derniers mois, distribué des armes à la population, particulièrement aux jeunes de Kiwanja. « En mêlant des hommes armés à la population, il a pris le risque insensé de sacrifier la vie de gens innocents », s’est justifié le « chairman », comme il aime se faire appeler.
Les tueries se sont déroulées à quelques centaines de mètres d’une base de la Monuc, dont les 138 cas­ques bleus sont restés terrés. Quand, apeurés, plusieurs milliers d’habi­tants se sont réfugiés à proximité de cette base, ils ont été intimidés par le CNDP, qui les a contraints à rentrer chez eux. Une démarche coercitive qui a non seulement été appréciée par les casques bleus in­diens, mais qui aurait eu lieu à leur demande, selon des sources internes à la Monuc.
À Kiwanja, les jeunes craignent plus que jamais d’être tués ou em­menés par le CNDP, qui pratique les enrôlements forcés. C’est ce qui explique que les écoles restent fer­mées, les parents craignant les rafles dont les milices de Laurent Nkunda sont coutumières. Dans le quartier de Mabungo, « on a toujours peur, ex­plique un jeune homme. À 18 heures, on est enfermés chez nous. Ils con­tinuent de tuer. » De fait, plusieurs meurtres commis ces derniers jours sont attribués au CNDP. Ici, c’est un jeune de 18 ans tué samedi dernier d’une balle dans le dos par un mili­cien qu’il refusait de suivre vers un camp militaire. Là, c’est un homme de 40 ans engagé dans sa paroisse, père de six enfants, qui a été tué le même jour par un individu l’atten­dant chez lui, dans le quartier de Buzito. Les voisins n’ont pas vu si le tueur portait un habit militaire.
À Kiwanja, les hommes en armes sont omniprésents, jusqu’au fin fond des quartiers. La quasi-totalité des boutiques sont fermées, à l’exception de celles des supporteurs du CNDP. Au centre des impôts, plusieurs fonctionnaires sont là, nerveux et suspicieux. «La rébellion devient de facto notre employeur, explique l’un d’eux. Elle nous a demandé de rester en poste et de travailler norma­lement. » Sauf que, désormais, c’est à elle qu’iront les recettes… Une administration locale a été mise en place, dirigée par un militant de la rébellion originaire de Rutshuru. >>>>

Les tueries se sont déroulées à quelques centaines de mètres d’une base de la Monuc, dont les 138 casques bleus sont restés terrés

 

Kofi Annan prône l’interdiction du commerce des minerais du Nord-Kivu

 

Kofi Annan suggère de bannir le commerce des matières premières provenant de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Avant-hier, lors d’une conférence à Paris organisée par le Forum for New Diplomacy, l’ancien secrétaire général de l’ONU (1997-2006) a proposé cette mesure pour tarir les ressources des milices et des pays qui tentent de contrôler le Nord-Kivu, importante province minière de la RDC.
Kofi Annan a également plaidé pour une intervention militaire inter­nationale décisive. « Je sais qu’il est difficile pour les pays occidentaux d’en convaincre leur électorat, a-t-il expliqué. Mais c’est notamment de la responsabilité des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU »
(États-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne). Il a recommandé l’envoi au Nord-Kivu d’une force de réaction rapide sur le modèle de l’opération Artémis déployée en juin 2003 par l’Union européenne en Ituri. En trois mois, elle avait maintenu en respect les belligérants et ramené un calme durable, a-t-il rappelé.

 

REPÈRES
Les missions militaires internationales en RD-Congo
>> La Mission d’observation des Nations unies (Monuc) : créée fin 1999, la Monuc comptait, en décembre 2001, 9 000 hommes venant de plusieurs pays, notamment d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh et d’Afrique du Sud. Sa mission est alors de mener à bien le désarmement, la démobilisation, le rapatriement, la réinstallation et la réinsertion des groupes armés étrangers se trouvant sur le territoire congolais.
>> En 2003, la résolution 1493 du Conseil de sécurité renforce légèrement ses effectifs militaires et lui donne le droit d’employer la force pour protéger les civils et les personnels humanitaires. En 2004, ses forces sont portées à près de 17 000 hommes, loin toutefois des 24 000 hommes que souhaitait le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Kofi Annan.
>> Aujourd’hui, 90 % des effectifs sont déployés dans l’est du pays. Cette opération de maintien de la paix est la plus importante qu’ait jamais dirigée l’ONU et c’est la plus onéreuse de ses missions, avec un coût annuel d’un milliard d’euros.
>> L’opération Artémis :
durant l’été 2003, à la demande de l’ONU, l’Union européenne envoie plus de 1 500 soldats (dont la moitié sont français) pour stopper un processus quasi génocidaire en Ituri, province de l’est de la République démocratique du Congo où s’affrontent les miliciens de deux ethnies, les Hema et les Lendu.
Les soldats de l’opération Artémis resteront trois mois sur place avant que les casques bleus de l’ONU, déjà sur place depuis 2001 mais incapables d’empêcher les massacres de l’est, ne prennent le relais.
>> La force européenne (Eufor) : en avril 2006, l’ONU autorise le déploiement d’une force européenne (Eufor) pour la sécurisation des élections qui se tiendront en juillet et août et verront la victoire du président Kabila.
Les 1 400 hommes de l’Eufor sont restés basés à Kinshasa et ont eu un effet dissuasif. Son mandat a été de cinq mois.

 

Il commence à rallier à sa cause les leaders locaux, notamment cer­tains « adjoints » qui prendraient volontiers la place de leurs chefs, partis se mettre à l’abri.
Rutshuru, chef-lieu du territoire, a été épargné par les combats et semble moins traumatisé que les bourgades voisines ayant servi de champ de bataille, comme Kalengera, sur la route de Goma. Dans cette localité rurale, certains habitants ont tout perdu, jusqu’à leurs vêtements, pillés par l’armée congolaise, puis par le CNDP. « Une majorité d’habitants a fui , affirme un villageois. Je suis moi-même sans nouvelles de mes enfants. J’ai voulu m’enfuir, mais les soldats du CNDP m’en ont empêché. »
La rébellion attache une grande importance à ce que les zones qu’il domine soient peuplées. Une de ses premières démarches à Rutshuru fut de disperser les populations qui avaient fui les territoires déjà sous son contrôle. Le CNDP aimerait que des popu­lations de zone gouvernementale viennent prendre leur place. Il fait planer la menace d’une offensive contre Binza, un fief de la milice hutue des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), peu peuplé mais au sous-sol riche. Déjà, une cinquantaine de familles se sont réfugiées à Rutshuru, où une infrastructure humanitaire surdimensionnée est en cours de mise en place. « La situation n’est pas dramatique au point de néces­siter des distributions alimentaires massives, a fortiori en pleine zone agricole et en pleine période de ré­coltes, s’étonne un expatrié d’une ONG internationale. Cela risque de peser sur les prix à un moment où la population a justement besoin de liquidités. »
La rébellion pourra-t-elle con­quérir les cœurs d’une population traumatisée et qui lui est majoritai­rement hostile ? Beaucoup en dou­tent. « Le CNDP dit qu’il vient nous libérer, mais il va libérer quoi ? Des cadavres ? », s’insurge un déplacé.

«Est-ce que ces gens
(les Tutsis)
veulent vivre avec nous? Est-ce qu’ils cherchent vraiment l’intérêt du peuple ou juste le leur ?
s’exclame un jeune originaire de Binza. Ils n’ont qu’à rentrer chez eux, au Rwanda ! Ils nous reprochent d’avoir sur notre sol les FDLR, mais est-ce nous qui leur avons demandé de venir? C’est le problème du Rwanda, pas le nôtre. »
Un militant du CNDP, venu de Goma via l’Ouganda pour éviter les barrages de l’armée congolaise, voit les choses tout autrement. « Les gens vont s’habituer, affirme-t-il. Ils vont devoir cohabiter. Avant, nous étions un mouvement de revendi­cation. Maintenant, nous sommes un mouvement politico-militaire travaillant à la libération totale du Congo. »
En fait de libération totale, c’est bien de l’une des zones les plus ri­ches en ressources naturelles que le CNDP aimerait à terme prendre le contrôle. « Le Masisi, l’actuel fief de Nkunda, est trop enclavé, explique le représentant d’une ONG internatio­nale basé dans la région. Rutshuru, en revanche, est sur un axe straté­gique, au carrefour des frontières ougandaise et rwandaise. C’est là que se négocient toutes les richesses de la région. Le CNDP va s’enraci­ner ici et en faire sa petite capitale régionale, avant d’autres conquêtes territoriales. » Il est d’ailleurs frap­pant de constater que l’axe reliant Rutshuru à Goma est presque sans barrages, comme pour rassurer les négociants de la région sur la pérennité de leurs affaires.

LAURENT D’ERSU

 

ENTRETIEN >>>> P. Apollinaire Malumalu, président de la conférence sur la paix au Kivu
« Les zones concernées doivent être démilitarisées »

Figure respectée de la société civile congolaise, le P. Malumalu, originaire du Nord-Kivu, a coordonné en janvier la conférence sur la paix dans cette région

En tant que président de la commission électorale in­dépendante, vous avez été un des principaux artisans des élections démocratiques de ces dernières années en République démocratique du Congo. Quel re­gard portez-vous sur l’impuissance de l’État congolais ?
P. APOLLINAIRE MALUMALU :
Les élections répondaient à la crise de légitimité, mais la sortie de la crise congolaise impose aujourd’hui d’affronter la crise de gouvernance. Il faut renforcer les fonctions ré­galiennes de l’État, notamment en construisant une armée capable de protéger les citoyens et l’intégrité du territoire. Je citerai ensuite le pillage des ressources naturelles, qui n’a pas été réglé et qu’il faut affronter courageusement, ne se­rait-ce que pour que les recettes de l’État augmentent. Troisièmement, le renforcement des capacités des nouveaux acteurs issus des ur­nes pour que chacun remplisse son rôle. Et puis l’amélioration des conditions de vie. Tout cela demande une mobilisation natio­ nale et internationale beaucoup plus importante que ce qu’on a vu jusqu’ici. La RDC a perdu des occasions, on ne sait pas si c’est sa faute seulement ou si c’est la politique internationale qui l’a voulu ainsi.
La mission de l’ONU en RDC (Monuc) fait l’objet d’intenses critiques, tandis que la commu­nauté internationale hésite à la renforcer. Quelle est à vos yeux l’option la plus souhaitable ?

On fait beaucoup le procès de la Monuc, mais c’est le système qu’il faut réformer. Le renforcement en hommes doit venir avec le ren­forcement du mandat et avec des objectifs suffisamment clairs. On a voulu limiter le rôle de la Monuc à celui de pompier. Or, je ne pense pas que le rôle des Nations unies soit de venir simplement recoller les morceaux. Il faut vraiment ap­pliquer le chapitre VII de la charte des Nations unies, notamment dans les territoires contrôlés par la rébellion. On ne peut pas assister impuissant à plus d’un million de déplacés internes, des massacres à répétition, et ne pas dire que trop c’est trop. Je suis parmi ceux qui préconisent que les zones concer­nées soient démilitarisées. Le plus tôt sera le mieux. Je soutiens donc l’intervention qui pourra être la plus rapide, d’où qu’elle émane.

Le CNDP de Laurent Nkunda ré­clame un dialogue direct avec le pouvoir. Est-ce la solution ?

On n’en est pas là, et personnel­lement j’estime que ce serait un grand recul. Que le gouvernement développe sa capacité d’échanger avec tout le monde, y compris le CNDP, c’est important. Qu’il vide sans ambiguïté le cahier de doléances du CNDP, c’est aussi important. Mais une rébellion qui prétend renverser le pouvoir issu des urnes, c’est inadmissible. Le dialogue doit être construit dans un cadre qui, dans une démocratie, n’est pas limité à tel ou tel groupe mais ouvert à tous ceux qui sont dans les mêmes conditions. Sinon, cela signifie que c’est la capacité de nuisance qui sert de critère pour être écouté. Il y a danger que la crise devienne identitaire. Il ne faut pas attendre que cela se déclenche pour intervenir. Les communautés jusqu’à présent essaient de se tenir en dehors du conflit, mais elles commencent à être poussées à bout.
Sur le fond, quelle est l’issue? La conférence sur la paix, la sé­curité et le développement des
provinces du Kivu, que vous avez dirigée, avait débouché en janvier sur un « acte d’engagement » signé par tous les acteurs de la région. N’est-il pas caduc ?
La situation du Nord-Kivu est très complexe. Nous avons fait l’effort, de manière participative, en incluant des groupes armés, de développer des plans de sortie de crise. J’estime que ce plan reste va­lable. Ce qu’il faut rechercher, c’est la volonté politique de le mettre en œuvre, tant au niveau national qu’international. On peut passer des mois à se parler ou à se battre, on en reviendra toujours aux mê­mes problèmes.

Comment la population congolaise fait-elle pour tenir ?

Les élections ont pu montrer quelle était la force et la dignité de la population congolaise. Elle est sans doute déçue de ne pas être soutenue à la hauteur de son courage. Les élites politiques, so­ciales, religieuses, économiques, intellectuelles doivent prendre leur responsabilité historique. C’est à ce niveau que se pose le problème. Dans toute société, il y a une génération sacrifiée, parce qu’elle s’est trouvée à un moment de crise. Son rôle, c’est au moins de lutter pour que les générations futures ne soient pas sacrifiées à leur tour. »

RECUEILLI PAR

LAURENT D’ERSU

(A Kinshasa)

 

« On ne peut pas assister impuissant à plus d’un million de déplacés internes, des massacres à répétition, et ne pas dire que trop c’est trop. »

 

DOCUMENT
« Une cruauté d’une exceptionnelle virulence »

« La Croix » publie de larges extraits d’une déclaration du Comité permanent des évêques de RD-Congo, rendue publique à Kinshasa le 13 novembre

«L
a RD-Congo pleure ses en­fants, elle est inconsolable (cf. Mt 2, 18).
1.
Nous, archevêques et évêques, membres du Comité permanent de la Conférence épiscopale na­tionale du Congo (…), affligés et bouleversés par la tragédie hu­maine dans l’est et dans le nord­est de la RD-Congo, lançons un cri de détresse et de protestation. (…) Aujourd’hui, comme le dit l’Écriture: une voix en RD-Congo s’est fait entendre, des pleurs et une longue plainte; c’est Goma, Kiwanja, Dungu, c’est la nation tout entière qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus (cf. Mt 2, 18).
2.
Un vrai drame humanitaire qui s’apparente à un génocide si­lencieux dans l’est de la RD-Congo se déroule sous les yeux de tous. Les massacres gratuits et à grande échelle des populations civiles, l’extermination ciblée des jeunes, les viols systématiques perpétrés comme arme de guerre : de nouveau une cruauté d’une exceptionnelle virulence est en train de se déchaî­ner contre les populations locales qui n’ont jamais exigé autre chose qu’une vie paisible et décente sur leurs terres. Qui aurait intérêt à un tel drame ?
3. Le plus regrettable, c’est que ces événements malheureux ont lieu sous l’œil impassible de ceux qui ont reçu le mandat de maintenir la paix et de protéger la population civile. Nos propres gouvernants se montrent impuissants devant l’am­pleur de la situation, donnant l’im­pression de ne pas être à la hauteur des défis de la paix, de la défense de la population congolaise et de l’inté­grité du territoire national (…).

4.
Il est évident que les ressour­ces naturelles de la RD-Congo alimentent la convoitise de cer­taines puissances et ne sont pas étrangères à la violence que l’on impose à sa population. En effet, tous les conflits se déroulent dans les couloirs économiques et autour des puits miniers. (…) Le plan de balkanisation que nous ne cessons de dénoncer est exécuté par des personnes relais. On a l’impression d’une grande complicité qui ne dit pas son nom.
La grandeur de la RD-Congo et ses nombreuses richesses ne doi­vent pas servir de prétexte pour en faire une jungle. Nous demandons au peuple congolais de ne jamais céder à toute velléité de balkani­sation de son territoire national. Nous lui recommandons de ne jamais souscrire à une remise en question de ses frontières interna­tionalement établies et reconnues depuis la conférence de Berlin et les accords ultérieurs.
5. Nous condamnons avec vé­hémence cette manière ignoble de considérer la guerre comme moyen pour résoudre les problè­mes et accéder au pouvoir. L’ordre institutionnel issu des élections démocratiques dans notre pays doit être sauvegardé. Nous dénon­çons tous les crimes commis sur de paisibles citoyens et désapprouvons de la manière la plus absolue toute agression du territoire national. Nous fustigeons le laxisme avec lequel la communauté internatio­nale traite le problème de l’agression dont notre pays est victime.

6.
Nous demandons instamment la cessation des hostilités et la ga­rantie des conditions de sécurité pour le retour des déplacés sur leurs terres.
7.
De toute urgence, nous en appelons à la solidarité nationale et internationale pour un accrois­sement de l’aide humanitaire en faveur des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants entassés dans des camps.
8.
Nous invitons toute la popula­tion congolaise à un sursaut natio­nal pour vivre en frères et sœurs, dans la solidarité et la cohésion nationales (…).
9.
Nous exhortons le gouverne­ment congolais à mettre tout en œuvre pour rétablir la paix sur (…) le territoire national. C’est le devoir sacré de nos gouvernants d’exercer leurs fonctions régalien­ nes afin de protéger le peuple et de garantir la sécurité aux frontières. Nul n’ignore que l’absence d’une ar­mée républicaine est préjudiciable à la paix dans le pays.
10.
Nous demandons à la commu­nauté internationale de s’impliquer sincèrement pour faire respecter le droit international. Nous estimons impérieux l’envoi d’une force de pacification et de stabilisation pour rétablir notre pays dans ses droits (…).
11.
Solidaire de la souffrance de son peuple, l’Église-famille de Dieu qui est en RD-Congo s’engage à ac­compagner ses fils et ses filles meur­tris pour les conduire sur le chemin de la réconciliation et de la paix. Elle exprime sa reconnaissance à Sa Sainteté le pape Benoît XVI pour son attention au drame de la RD-Congo, ses appels répétés à tous pour une solution pacifique et pour l’aide financière qu’il vient d’appor­ter lui-même afin de soulager des populations déplacées.
12.
Puisse le Seigneur, qui a veillé pendant des heures au jardin de Gethsémani et qui a ressenti comme faites à lui-même toutes les souffrances infligées et impo­sées aux membres de son corps (cf. Mt 25, 31-46), veiller avec nous et nous soutenir devant ce drame que connaît notre pays.
Que la Très Sainte Vierge Marie, Reine de la paix, obtienne la paix à notre chère patrie. »

 

L’influence du Rwanda est déterminante au Nord-Kivu
Le conflit actuel à l’est de la RD-Congo est une conséquence de la guerre civile et du génocide rwandais de 1994

Quelle est la situation au Nord-Kivu ?

Le 26octobre, les rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda ont conquis le camp militaire de Rumangabo, marquant une relance de la crise au Nord-Kivu. Appuyée par le Rwanda, attaquant tous azimuts, s’en prenant même aux casques bleus de l’ONU, la rébellion a en­suite élargi les territoires sous son contrôle. Elle s’est s’arrêtée aux portes de la capitale provinciale, Goma, et du verrou du Nord, Ka­nyabayonga. Dans ces deux villes, la débandade de l’armée régulière s’est accompagnée de pillages, de viols et de meurtres.
Effrayées par l’avancée des rebelles, responsables de graves crimes, des dizaines de milliers de personnes ont pris la fuite. L’Unicef estime que 100 000 per­sonnes, dont 60 % d’enfants, ont fui leur maison en une semaine de combats. Au total, un million d’habitants du Nord-Kivu, soit 20 % de la population de cette province, ne vivraient plus chez eux. À peine nommé, le nouveau premier ministre congolais Alphonse Muzito s’est rendu à Goma, mais le président Kabila est resté silencieux. Les derniers jours ont été marqués par un calme relatif excepté dans la région de Kanyabayonga.

Pourquoi l’armée congolaise est-elle si faible ?

Selon le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, les combats ont vu la «désintégration quasi totale » des Forces armées de RDC (FARDC) malgré leur supériorité numérique (elles déploieraient 25000 hommes au Nord-Kivu). Patchwork des divers groupes armés qui se sont affrontés au cours de deux guerres (1996-1997, 1998-2003), la nouvelle armée na­tionale est en construction depuis 2004. Issus de différentes régions, ethnies et factions, les combattants des précédents conflits doivent être démobilisés ou « brassés » dans de nouvelles unités.
Aujourd’hui, le ministère de la défense déclare payer 165 000 hom­mes, mais on estime que le nombre de militaires est de 110 000, dont sans doute 30000 inactifs, la plupart en raison de leur âge. En dehors de la garde républicaine (présidentielle), les bataillons sont dénués de moyens : pas de caserne, peu d’équipements, manque de vivres et d’eau potable. Le salaire minimum officiel d’un soldat est de 42 dollars par mois, mais les payes sont souvent détournées. La corruption est sans doute le premier problème de cette armée. Impliqués en temps normal dans des trafics les liant aux groupes rebelles, certains officiers « ven­dent » en temps de guerre la chute des zones sous leur contrôle.

Que veut la rébellion ?

«Laurent Nkunda a parlé des FDLR pendant au moins la moi­tié de notre entretien »,
remarquait dimanche Olusegun Obasanjo, envoyé spécial de l’ONU. La pré­sence dans la région des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), formées d’oppo­sants hutus au régime de Kigali, dont certains ont participé au génocide de 1994 au Rwanda, est la principale justification brandie par le CNDP de Laurent Nkunda, général tutsi congolais. Elle a déjà justifié des interventions militaires du Rwanda au Congo, jusqu’à la prise de contrôle d’une grande partie du Nord-Kivu de 1998 à 2003 par un mouvement pro-rwandais, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma).
Ce dernier a assuré à des hommes d’affaires rwandais le contrôle des richesses minières des zones sous son emprise. Le pendant militaire de cette domination politique et écono­mique a été bientôt assuré par des troupes menées par Laurent Nkunda, qui a refusé d’entrer dans le processus de « brassage »
de l’armée décidé lors de l’accord de paix de 2003. Dans son fief du territoire de Masisi, il a instauré une administration parallèle et réclame désormais de négocier directement avec le gouverne­ment congolais sur des sujets de politique nationale. Pourtant, son mouvement avait signé en janvier, avec le gouvernement et les autres groupes armés, un « acte d’engagement » qui répondait à la plupart de ses exigences.

Que fait la communauté internationale ?

Depuis trois semaines, malgré la reconnaissance unanime de la nécessité d’un renforcement de la présence militaire internatio­nale, les grandes puissances ne sont pas parvenues à en définir les contours. Bernard Kouchner avait évoqué l’hypothèse de former une force européenne, mais peu de pays se sont portés volontaires. Le 26 novembre, le Conseil de sécu­rité de l’ONU doit se prononcer sur un renforcement de la Monuc par 3 000 hommes supplémentaires, la France ayant fait circuler hier un projet de résolution en ce sens.
La Monuc, qui ne déployait au moment de l’attaque rebelle que 5 000 casques bleus au Nord-Kivu (sur 17 000 dans le pays), est l’ob­jet de multiples accusations au Congo. La population et certains cadres de l’ONU lui reprochent son manque de clarté politique et la collusion de certains de ses contingents avec les groupes re­belles. À peine nommé à la tête des casques bleus, un général espagnol avait démissionné le mois dernier. À l’échelon régional, tandis que le Rwanda soutient le CNDP – des observateurs uruguayens de la Monuc auraient même signalé la présence de chars rwandais en territoire congolais – l’Angola a ap­porté un appui limité en hommes à son allié congolais.

L. d’.E.

 

VU DEBELGIQUE
En quête de relations normalisées

Après une grave crise diplomatique, le gouvernement belge vient de renouer le contact avec le président congolais

BRUXELLES

De notre envoyé spécial permanent

L
es autorités belges appa­raissent divisées dans leur soutien aux autorités de Ré­publique démocratique du Congo (RDC). Le ministre des affaires étrangères Karel De Gucht est notamment très critique envers le président congolais Joseph Kabila.
« Que l’on parle ou non à Kabila n’a pas d’importance, cela ne change jamais rien»
, a-t-il martelé hier dans un entretien publié par le quo­tidien flamand De Morgen . En mai, évoquant la corruption, Karel De Gucht avait publiquement évoqué
« l’obligation morale »
de la Belgique de regarder de près ce qui se pas­sait en RD-Congo. Kinshasa avait alors rappelé son ambassadeur à Bruxelles, fermé son consulat à Anvers et obtenu la fermeture de deux consulats belges.
Dans son interview d’hier, le chef de la diplomatie belge a aussi im­plicitement attaqué le bilan de son prédécesseur à ce poste, Louis Mi­chel, qui est aujourd’hui commis­saire européen au développement.

« Si la situation actuelle au Congo est le fruit de la politique de Michel, cela interpelle »
, a-t-il lâché.
Le premier ministre Yves Le­terme s’est quant à lui entretenu la semaine dernière avec Joseph Kabila par téléphone. Une première depuis mai. «La guerre au Nord­ Kivu contraint aujourd’hui Kabila à trouver le soutien de ses alliés historiques» , indique une source belge. Le président congolais a ainsi reçu le 10 novembre à Kinshasa le ministre belge de la coopération, Charles Michel, qui n’est autre que le fils de Louis Michel, avec qui Jo­seph Kabila entretient de « bonnes relations» . Sans s’impliquer à renouer les liens belgo-congolais, le commissaire européen s’était attaché à favoriser la conférence de Nairobi, qui a rassemblé, en vain, le 7 novembre, les dirigeants de la région.
Le reste du gouvernement Leterme s’est désolidarisé des propos de Karel De Gucht. La RD-Congo de­meure le premier pays bénéficiaire de l’aide belge au développement, qui s’élève à 190 millions d’euros par an. Par ailleurs, l’opposant congolais au président Kabila, Jean­Pierre Bemba, poursuivi par la Cour pénale internationale, a été arrêté le 24 mai dernier dans sa villa près de Bruxelles. La Belgique reste en revanche très rétive à déployer des troupes dans la région en conflit.

SÉBASTIEN MAILLARD

Le premier ministre s’est entretenu la semaine dernière avec Joseph Kabila par téléphone.

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