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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

La « culture de l’élimination » a fait une nouvelle victime. Sous la pression de ceux qui ne lui pardonnent pas ses positions sur le Rwanda, l’ex-ministre Hubert Védrine a été contraint de démissionner de la présidence non exécutive des Rencontres photographiques d’Arles.

Hubert Védrine est-il devenu infréquentable ? L’ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin doit-il être mis à l’index ? Cet essayiste reconnu, jusqu’ici réputé pour une finesse d’analyse que n’entache pas un parler direct, doit-il être classé d’office parmi les auteurs à lire avec des pincettes ? Telles sont les questions qui se posent au vu du sort qui lui est réservé depuis qu’a été publié le rapport Duclert, réalisé à la demande d’Emmanuel Macron pour éclairer les responsabilités de la France au Rwanda, à l’époque du génocide dont ont été victimes les Tutsis.

Ainsi, Hubert Védrine a été contraint de démissionner de la présidence non exécutive des Rencontres photographiques d’Arles, qui doivent s’ouvrir le 4 juillet prochain. Cette décision a été prise sous la pression de pétitionnaires divers et variés, le jugeant « disqualifié » pour présider un événement qui aura lieu vingt-sept ans après la fin du drame, entre avril et juillet 1994.

 

LECTURE MANICHÉENNE

 

Mais qu’est-ce donc qui justifie cette prétendue « disqualification » ? En fait, certains ne pardonnent pas à l’ex-ministre sa position sur les événements éclairés par le rapport Duclert. Pourtant, Hubert Védrine a salué ce travail, qui a amené le président de la République à reconnaître, à l’occasion du discours prononcé à Kigali, la « responsabilité écrasante de la France » dans le drame qui s’est joué au Rwanda, où elle est restée « de fait aux côtés d’un régime génocidaire ». Mais il en est qui veulent aller bien plus loin et qui décrivent la France en agent actif du crime, ce qui est faire fi d’une réalité plus complexe.

 

Hubert Védrine s’est toujours opposé à cette lecture manichéenne. C’est son droit absolu, et il n’y a pas de quoi en faire un ennemi à abattre. Celui qui, à l’époque des faits, était secrétaire général de l’Élysée, a toujours avancé une analyse répudiant tout simplisme et tout schématisme pour établir l’échelle des responsabilités ayant conduit à l’inéluctable.

On peut contester sa vision des choses, y voir une volonté excessive de laver à tout prix l’honneur de François Mitterrand. Mais on ne peut le traiter comme un négationniste de la pire espèce, ainsi que le font avec empressement des Savonarole au petit pied.

 

Certes, l’ancien ministre aurait pu éviter quelques formules à l’emporte-pièce pour dénoncer ses détracteurs. Il n‘était pas obligé de choisir la revue Éléments pour dénoncer ceux qui ne pensent pas comme lui d’une formule fort regrettable : « Ah ! Si les journaux étaient tenus comme autrefois, ça ne durerait pas une minute. » Hubert Védrine a beau reconnaître sa bévue, le mal était fait.

Si l’histoire devait en rester là, ce serait dommage, tant pour la qualité du débat public que pour la nécessaire poursuite du travail historique sur le génocide rwandais. Mais il en est qui poursuivent un dangereux travail d’élimination des voix discordantes, sur ce sujet comme sur d’autres, inspirés par la « cancel culture » (« culture de l’annulation ») en vogue sur les campus américains.

Dans des conditions voisines, voici quelques années, ils avaient voulu interdire à l’historien Marcel Gauchet de participer aux rendez-vous de l’histoire de Blois, sous prétexte qu’il n’avait pas les diplômes requis pour enseigner la « rebellitude ». Dans les universités, dans les médias, au nom d’un antiracisme d’opérette, ils surveillent les faits et gestes de tous ceux qui rechignent à respecter les codes de la nouvelle pensée correcte. Ces esprits qui se croient éclairés étant enclins à dénicher la trace du colonialisme de grand-papa dans tous les recoins de la société. Ils ont logiquement fait d’Hubert Védrine leur tête de turc. Qui prendra le relais ?

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