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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Par Isabelle Chaillou

Myriam El Khomri, la ministre du Travail

Myriam El Khomri, la ministre du Travail © MaxPPP

Depuis quinze jours, on a lu et entendu beaucoup d'informations contradictoires sur ce que va changer le projet de loi Travail pour les entreprises et les salariés. Pour vous, France Info démêle le vrai du faux.

· Les entreprises pourront elles licencier plus facilement ?

Oui pour certaines. Mais on ne parle ici que des licenciements économiques. Aujourd’hui, le juge a une certaine liberté d’appréciation des difficultés économiques qui peuvent justifier une restructuration au sein  d’une entreprise. L’avant-projet de loi définit en fait plus précisément les motifs des licenciements économiques ; baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant quatre trimestres de suite; dégradation de la trésorerie. Mais ce n’est pas tout. Les entreprises pourront aussi invoquer : des mutations technologiques, voire même le maintien de la compétitivité donc une définition finalement assez extensive de ce que peuvent être des difficultés économiques. La question qui se pose c’est surtout celle du périmètre sur lequel sont évalués ces critères.  Dans le cas d’une multinationale, même si l'entreprise se porte  bien à l'étranger, si la filiale française présente  des comptes dans le rouge ou des commandes en baisse, elle pourra alors tailler dans ses effectifs.

·  Une fois licenciés, aux prud'hommes les salariés seront moins bien indemnisés qu’aujourd’hui?

Oui, dans certains cas, c'est vrai car le  texte crée un barème. Si un salarié conteste son licenciement et qu'il obtient gain de cause, c'est-à-dire que ce licenciement est jugé abusif. Et bien la réparation, les indemnités qu'il pourra toucher seront plafonnées, en fonction de son ancienneté dans l’entreprise. Maximum 15 mois de salaire, pour plus de  20 ans d'ancienneté. D'après le gouvernement, ces plafonds correspondent, en moyenne à ce qui se fait aujourd'hui aux prud’hommes. Une moyenne, cela veut dire que certains salariés touchent plus, d'autres moins. Cela veut surtout dire qu’avec la loi, il y aurait  des gagnants et des perdants, par rapport à la situation actuelle.

· Est-ce la  fin des 35h?

Non. Cela reste la durée légale du travail et donc, en pratique, le seuil au-delà duquel on doit être payé en  heures supplémentaires, quand on y a droit.  Mais, dans le détail,  le texte multiplie considérablement  les possibilités pour les entreprises de déroger aux 35h.

· Ça veut dire qu'on pourra travailler jusqu'à 60 heures par semaine?

Oui, dans certaines circonstances "exceptionnelles". Mais ça n'est pas une nouveauté c'est déjà possible aujourd'hui,  il faut que l'entreprise obtienne une  autorisation de l’Inspection du Travail. Ce qui change,  c'est qu’avec la réforme, l’entreprise pourra négocier en interne, avec les syndicats, un accord qui modifie l’organisation du temps de travail. Jusqu’à maintenant, un salarié pouvait travailler jusqu’ à 44 heures par semaine, en moyenne, sur 3 mois maximum. Avec la loi El Khomri, un  salarié pourra travailler  jusqu' à 46 h hebdomadaire, en moyenne, sur 4 mois. La notion de moyenne est importante, puisque sur une semaine cela pourra aller jusqu' à 48h de travail. C'est le maximum autorisé par la règlementation européenne. 

·Est-ce que ce sont les patrons qui décideront combien seront payées ces heures supplémentaires?

Oui, en partie. Car aujourd'hui, dans beaucoup de secteur, ce ne sont pas les entreprises qui fixent les règles pour les heures supplémentaires, mais les branches professionnelles : par exemple, dans la métallurgie, une heure supplémentaire est payée au minimum 25 % de plus. Et toutes les entreprises de la branche doivent s'y plier. Or, c'est ce verrou que fait sauter la loi Travail, et c'est le cœur de la réforme : l'accord d'entreprise prime sur l'accord de branche. Une société de la métallurgie pourra donc  décider via un accord interne, du coup de pouce financier pour les heures sup. La seule limite qui s'imposera alors, c'est le plancher fixé par la loi : une heure supplémentaire doit être majorée d'au moins 10 %. Certains salariés vont donc y perdre. Et en plus, potentiellement, ils ne toucheront ces heures supplémentaires que longtemps après. Des heures supplémentaires faites en 2016 pourraient ainsi être payés ... en 2018. 

·  Les astreintes seront décidées au dernier moment ?

Pas tout à fait mais presque. Ces astreintes ou ces permanences, le soir le week-end doivent aujourd'hui être fixées 15 jours à l' avance, au minimum. Désormais, le texte parle d'un "délai raisonnable" de 1 à 5 jours pour prévenir le salarié.

·   Fini le bulletin de paie papier, il sera désormais envoyé par mail ?

Ce sera en tout cas possible, c'est ce que dit l'article 24 de l'avant-projet de loi.  Avec à la clé des économies de papier et d'envoi pour l'entreprise.  Le texte ne parle pas de généralisation. Mais jusqu'à maintenant pour dématérialiser la fiche de paie,  il fallait l'accord des salariés. Là, l'entreprise n'en aura pas besoin. Elle pourra transmettre la fiche de paie par mail, sauf si l'employé s'y oppose formellement.

·  Ce texte doit incarner une forme de "flexisécurité"  à la française. Où est la sécurité pour les salariés ?

Dans le CPA, le Compte Personnel d’Activité, censé préfiguré une future sécurité sociale professionnelle.  Mais ce CPA n’est pas encore effectif. Il doit être mis en place à partir du 1er janvier 2017. Par ailleurs, il ne renferme aujourd’hui que des droits déjà existants : le compte pénibilité pour la retraite et le Compte Personnel de Formation.

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